L’approche des élections législatives de 2019 entraîne une certaine ébullition sur la scène politique. Face aux partis existants, des voix s’élèvent pour renouveler l’offre politique du pays. Deux initiatives sont particulièrement suivies : le mouvement Eesti 200 et la Fondation pour la réforme de l’État. Le premier, porté par des universitaires et des entrepreneurs, appelle à construire l’Estonie du futur, celle qui célébrera le bicentenaire dans 100 ans. Le manifeste du mouvement pose plusieurs grandes stratégies (gouvernement, économie, éducation…) et appelle à l’alternance pour sortir de la politique des partis. La Fondation pour la réforme de l’État est, elle, une initiative de 28 entrepreneurs. Prévue pour une période d’un an, cette initiative est présentée comme le « cadeau » des entreprises pour le centenaire de la République et a pour objectif la rédaction d’ici à l’automne 2018 d’une conception pour réformer l’État et des outils pour la mettre en application. L’un des grands principes mis en avant est la nécessité de réduire sensiblement les dépenses publiques, dont le niveau est selon les entrepreneurs à un niveau critique.

Plusieurs débats ou affaires ont eu pour sujet la citoyenneté. Tout d’abord, le Parti de la réforme a déposé une proposition de loi visant à réformer la législation actuelle en la matière. Le texte propose notamment d’autoriser dans une certaine mesure la double citoyenneté, actuellement interdite. (Dans les faits, si la loi oblige les personnes qui acquièrent une autre citoyenneté à abandonner la citoyenneté estonienne, les autorités n’ont pas de pouvoir pour déchoir les personnes citoyennes de naissance. Ainsi, il existe déjà de nombreux binationaux). Si la loi était amendée, les citoyens estoniens de naissance seraient autorisés à avoir le passeport des États de l’UE et de l’Espace économique européen, des États-Unis, du Canada, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de Suisse ainsi que de tout pays ayant signé un accord bilatéral avec l’Estonie. La proposition de loi contient également un amendement selon lequel le gouvernement estonien aurait le droit de déchoir de sa citoyenneté une personne qui a obtenu ladite citoyenneté pour services rendus, dans le cas où celle-ci ne respecte pas la Constitution, les valeurs de la société, etc. Certains ont vu dans cette disposition visant directement la députée européenne Yana Toom (Parti du Centre), naturalisée en 2006 pour services rendus, mais connue pour ses prises de position dissonantes lorsqu’il s’agit de la Russie, de la Syrie ou des questions concernant les russophones en Estonie. Enfin, une polémique implique actuellement le ministre de l’intérieur Andres Anvelt (Parti social-démocrate). Si ce dernier est devenu citoyen estonien 1992 par voie de naturalisation, il a ensuite obtenu la requalification de son statut en « citoyen de naissance » car les archives contiennent des documents indiquant que sa grand-mère maternelle était bien citoyenne estonienne dans les années 1920. (Les personnes nées pendant l’époque soviétique sont considérées comme citoyennes de naissance si elles sont les descendantes de personnes qui avaient la citoyenneté estonienne en 1940.) Toutefois, certains, dont l’historien Jaak Valge, estiment que la grand-mère, communiste notoire, du ministre devait avoir perdu sa citoyenneté estonienne après avoir quitté l’Estonie pour l’URSS au milieu des années 1920 et s’être mariée avec un citoyen étranger (ce qui signifiait à l’époque la perte de la citoyenneté pour les femmes). Le cas d’Andres Anvelt fait surtout débat, car son grand-père Jaan Anvelt était un communiste de premier rang. Il a été président de la Commune des travailleurs estoniens (1918-1919) et il a participé à la tentative de coup d’État du 1er décembre 1924. Sinon la polémique est relativement dépourvue de sens : qu’il soit citoyen de naissance ou naturalisé ne remet pas en cause son droit à être ministre. Plus généralement, cette affaire rappelle la difficulté que les autorités ont, plus de 25 ans après la chute de l’URSS, pour gérer cette question du droit à la citoyenneté pour les descendants des citoyens estoniens d’avant 1940.

La question des agressions sexuelles envers les femmes a de nouveau été au cœur de l’actualité en Estonie. L’émission d’investigation Pealtnägija de la chaîne ETV a révélé les agissements d’Igor Mang, l’un des plus célèbres astrologues du pays. À l’aide de caméras cachées, les journalistes ont mis au jour ses comportements déplacés. À la suite du reportage, de nombreuses femmes ont déclaré elles aussi avoir été victimes. Le journal Maaleht pour lequel Igor Mang rédigeait des horoscopes, dont le très prisé horoscope du Nouvel An, a immédiatement mis fin à toute collaboration.

En mai, le projet d’usine de cellulose près de Tartu a continué de faire débat. Fortement mobilisés, les opposants ont notamment organisé une chaîne humaine sur les rives de l’Emajõgi dans la ville universitaire. Du côté du gouvernement, aucune décision n’a été prise, mais il apparaît peu à peu qu’il sera très difficile d’aller contre la population locale.

Il y a quelques mois, la ministre de l’économie Kadri Simson (Parti du Centre) a annoncé que les transports publics régionaux estoniens allaient devenir gratuits au 1er juillet 2018. Toutefois, les modalités de la mise en œuvre de cette décision est longtemps restée floue. Finalement, la gratuité ne sera pas instaurée sur l’ensemble du territoire, la ministre ayant choisi de laisser le choix aux centres régionaux chargés des transports. Ces centres ont le choix entre le maintien des tarifs en vigueur ou une réduction des tarifs, cette décision s’accompagnant alors d’une aide financière de l’État. Cette réduction peut être partielle ou totale avec la mise en place d’un billet à 0 euro. Sept centres régionaux (Läänemaa, Jõgevamaa, Järvamaa, Tartumaa, Virumaa oriental, Valgamaa et le centre commun aux régions de Võrumaa et de Põlvamaa), la commune de Saaremaa et celle de Hiiumaa ont pour l’instant opté pour la gratuité, alors que trois (Harjumaa, Raplamaa et Virumaa occidental) ont choisi de conserver leur politique tarifaire. La région de Pärnumaa a décidé d’une gratuité partielle pour certaines catégories de voyageurs seulement (écoliers, retraités). Bien que certaines régions aient choisi la gratuité, elles ne sont toutefois pas d’accord avec une entrée en vigueur dès le 1er juillet et réclament un report d’au moins trois mois pour préparer le passage au nouveau système.

Enfin, après deux échecs consécutifs en 2016 et 2017, l’Estonie a de nouveau atteint la finale du concours de l’Eurovision. Cette année, c’est la chanteuse Elina Nechayeva qui représentait le pays avec une chanson en italien La Forza. Elle a obtenu une honnête huitième place.