Voix majeure de la littérature estonienne contemporaine, le poète, prosateur et essayiste, lauréat 2016 du prix européen de littérature, est décédé le 8 août de la maladie de Charcot, à l’âge de 80 ans.

Né le 22 janvier 1941 d’une mère estonienne francophile et d’un père polonais mort au Goulag, il s’était fait connaître comme poète à partir de 1965, jouant un rôle majeur dans la renaissance littéraire des années 1960 en Estonie soviétique. Sa poésie, d’une grande diversité formelle (depuis de longs versets ou vers libres jusqu’à un minimalisme extrême, en passant par des vers réguliers et rimés), témoigne d’une remarquable cohérence par l’attention particulière qu’elle accorde à la nature et à la place de l’homme en son sein. Pour Jaan Kaplinski, la nature est la source d’une expérience métaphysique d’inspiration bouddhiste : motif d’émerveillement, voie d’accès à la beauté du monde et à l’approbation du réel, sa contemplation conduit à la compréhension de l’unité et de la continuité de l’être.

Sans jamais renoncer à la poésie, il avait entamé dans les années 1970 une œuvre en prose conséquente et diverse, qui comprend notamment des récits autobiographiques, deux pièces de théâtre, des nouvelles fantastiques, des contes pour enfants, mais aussi et surtout de nombreux essais politiques et philosophiques grâce auxquels il s’était imposé en Estonie, en Finlande et en Scandinavie comme un penseur profondément original, critique de la société occidentale et de sa pensée dichotomique, auxquelles il opposait une vision holistique de la vie et de l’univers.

Esprit universel et polyglotte, il avait choisi d’écrire également en anglais, en russe, en finnois, mais aussi en võro, la langue régionale du sud de l’Estonie. Bien que sa poésie soit traduite dans une vingtaine de langues[1], qu’il ait reçu de nombreux prix littéraires hors des frontières de son pays et que son nom ait été évoqué à plusieurs reprises parmi les candidats sérieux au prix Nobel de littérature, l’essentiel de son œuvre reste encore à découvrir en France.

[1] Deux recueils ont été traduits en français par Antoine Chalvin : Le Désir de la poussière, éd. Riveneuve, 2002 (prix Max Jacob 2003) ; Difficile de devenir léger, éd. Paradigme, 2016.

Voir aussi :

https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/08/13/la-mort-de-l-ecrivain-estonien-jaan-kaplinski_6091326_3382.html
https://legrandcontinent.eu/fr/2021/08/11/deces-du-poete-estonien-jaan-kaplinski/
https://actualitte.com/article/101837/vie-litteraire/disparition-de-jaan-kaplinski-poete-philosophe-et-critique-culturel-estonien