En juin, la crise née entre les partis de la coalition au pouvoir, le Parti du centre et le Parti de la réforme, a débouché sur l’issue la plus attendue : la fin de la collaboration entre les deux principales forces politiques présentes au Parlement. Alors que les relations s’étaient fortement détériorées depuis que le Parti du centre avait déposé un projet d’augmentation des allocations familiales avec l’opposition, la goutte qui a fait déborder le vase est venue d’un ultime désaccord. La Première ministre Kaja Kallas (Réforme) a demandé au président de la République Alar Karis de démettre les ministres centristes de leurs fonctions après que les députés Parti du centre ont voté contre le passage de l’enseignement préscolaire en estonien uniquement.

Aucune formation n’ayant de majorité absolue au Parlement, quelle coalition jusqu’aux élections législatives de mars 2023 ? La reformation de la coalition en place exclue, deux solutions semblaient possibles : une équipe avec le Parti de la réforme, les Sociaux-Démocrates et Isamaa ou le retour de la coalition en place au début de la législature (2019-2021) avec le Parti du centre, EKRE (extrême-droite) et Isamaa. Après réflexion, le parti de droite Isamaa a choisi la première solution, déjà au pouvoir à de nombreuses reprises par le passé. Fin juin, les trois formations ont mené les négociations en vue d’un accord de coalition et un nouveau gouvernement entrera finalement en fonction le 18 juillet 2022. Au sein du nouvel exécutif, le Parti de la Réforme conserve le poste de Premier ministre et les portefeuilles Affaires rurales, Finances, Protection sociale et Défense, ceux de l’Entreprise, de l’Éducation et de la Justice, détenus auparavant revenant au parti Isamaa, qui hérite aussi de l’Administration publique et des Affaires étrangères. De son côté, le Parti social-démocrate obtient les ministères de l’Intérieur, de l’Environnement, de la Culture, des Affaires économiques et d’un poste réuni Santé-Travail.

En plus de l’épisode qui a provoqué l’éclatement de la coalition, la question de la langue utilisée dans les établissements scolaires estoniens a été très présente en juin. Alors qu’un passage intégral à l’estonien est prévu pour 2035, la ville de Tartu a décidé d’aller beaucoup plus vite en effectuant la transition dès 2025 dans les trois écoles maternelles et les deux établissements primaire-secondaire bilingues de la ville. Cette annonce a aussitôt provoqué des réactions inquiètes, notamment du conseil d’établissement de l’école Pouchkine. Dans une adresse aux dirigeants municipaux, le conseil pointe le manque d’enseignants ayant les compétences requises en estonien (niveau C1 exigé) et l’absence de matériaux pédagogiques nationaux. Preuve que la question linguistique dans les établissements scolaires estoniens demeure d’actualité, à Tallinn, un directeur de lycée qui n’a jamais réussi à prouver quelque progrès dans son apprentissage de l’estonien a finalement remis sa démission. Enfin, en août, le nouveau ministre de l’Éducation Tõnis Lukas (Isamaa) a annoncé que son ministère avait l’intention d’envoyer des inspecteurs contrôler le niveau d’estonien des enseignants des écoles russophones.

Au cours du mois d’août, une saga de plusieurs semaines est arrivée à son épilogue sur les bords de la Narva. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la commémoration du passé soviétique est revenue au premier plan, notamment la présence de divers monuments dans le pays. Le débat a pris de l’ampleur à propos d’un char soviétique T-34, qui commémore le franchissement du fleuve Narva par l’Armée rouge en 1944, au bord de la route reliant Narva à Narva-Jõesuu. Au cœur de l’été, les principales formations politiques du pays ont soutenu l’idée d’un déplacement du monument. Toutefois, le gouvernement a laissé la main aux autorités locales de Narva, tout en suivant le dossier de très près (la Première ministre Kaja Kallas s’est rendue à Narva le 8 août pour demander une résolution plus rapide de la question). À l’approche du 20-Août, date marquant le rétablissement l’indépendance en 1991, de plus en plus de voix, notamment celles du ministre de l’Intérieur Lauri Läänemets (social-démocrate) se sont fait entendre. Les choses se sont accélérées mi-août après que le conseil municipal de Narva – dont l’ensemble des groupes politiques avait soutenu l’idée d’un déplacement du char quelques jours plus tôt, avant que l’opposition change d’avis – a échoué à prendre les décisions nécessaires. Face à l’incapacité des autorités locales, le gouvernement de Kaja Kallas a repris l’initiative et a ordonné le déplacement du monument le 16 août vers le musée militaire de Viimsi à côté de Tallinn (ainsi d’autres monuments de la région de Narva). À Narva, la situation est demeurée calme, sans incident à déplorer. Les locaux ont simplement déposé des fleurs à l’emplacement de l’ancien monument. Néanmoins, la saga n’est pas finie car l’assemblée municipale de Narva a évoqué l’hypothèse de mener l’affaire devant les tribunaux.

Plus largement, la décision gouvernementale appelle les municipalités estoniennes à éliminer les monuments soviétiques de l’espace public, certaines autorités prenant parfois les devants. À Pärnu par exemple, un monument a été supprimé dès le 8 août. D’autres épisodes se passent parfois de manière moins ordonnée avec des initiatives d’individus qui relèvent plus du vandalisme. De son côté, la commission chargée des sépultures militaires d’Estonie a dressé une liste de 22 tombes à déplacer vers des cimetières.

Alors que l’hiver à venir est particulièrement craint, le coût de l’électricité, et le système de bourse Nord Pool, a également beaucoup fait parler cet été. Le 16 août entre 18 h et 19 h, le prix du mégawatt/heure a atteint un record de 4000 euros (le précédent record datant de l’hiver dernier était de 1000 euros) et le prix moyen pour le mois d’août a été de 361,35 euros, un niveau très supérieur au précédent record de décembre 2021 (202,65 €) ! Comme de nombreux consommateurs estoniens paient leur électricité selon le prix horaire – peu ont un abonnement mensuel à prix fixe – les fluctuations du coût de l’énergie sont suivi avec attention. Plus globalement, c’est la hausse générale des prix (plus de 20 % par rapport à il y a un an) qui préoccupe les Estoniens.

En sport, certaines performances ont été suivies par les fans. En tennis, Anett Kontaveit continue d’écrire l’histoire du tennis estonien. Malgré des résultats très mitigés ces dernières semaines, la joueuse s’est hissée début juin au deuxième rang du classement mondial. De son côté, la jeune nageuse Eneli Jefimova, 15 ans, médaille d’argent aux championnats d’Europe petit bassin l’an dernier, a participé aux récents championnats du monde grand bassin. Si elle a échoué à obtenir une médaille, elle a tout de même réussi à accéder une finale (50 m brasse), ce qu’aucun nageur estonien n’avait accompli depuis 2005 ! Au cours de l’été, plusieurs athlètes se sont distingués. La jeune sauteuse en hauteur Karmen Bruus, 17 ans, a obtenu une prometteuse septième place aux championnats du monde d’Eugene aux États-Unis avant d’être sacrée championne du monde junior à Cali en Colombie. Lors de cette compétition, le triple sauteur Viktor Morozov a terminé troisième. Enfin, le décathlonien Janek Õiglane a remporté la médaille de bronze lors des championnats d’Europe qui se déroulaient à Munich en Allemagne. En revanche, le pilote automobile Jüri Vips a fait parler de lui pour de mauvaises raisons. En effet, celui-ci a tenu des propos racistes et homophobes au cours d’une partie de jeux vidéo en ligne. Immédiatement, il s’est vu signifier sa suspension du programme jeunes du groupe Red Bull Racing.

Enfin au cinéma, après la sortie du premier opus Apteeker Melchior en avril dernier, la suite des enquêtes de l’apothicaire Melchior a fait sa sortie en salles avec Apteeker Melchior. Viirastus (Melchior l’apothicaire : le Spectre).

Photo : Sergei Stepanov / ERR