L’objet de cet article est de dessiner les contours de la connaissance de l’Estonie en France au XIXe siècle : quelle idée de ce pays et de ses habitants pouvait se faire un lecteur français en consultant les différentes sources écrites disponibles dans sa langue sur le sujet ?

Le XIXe siècle est intéressant à cet égard, car, en ce qui concerne l’Estonie, il marque la transition entre l’ignorance et le savoir, entre une période d’extrême rareté des sources et une période d’abondance qui commencera avec l’indépendance des pays baltiques à la fin des années dix du XXe siècle. C’est au XIXe siècle que l’Estonie, avec les autres provinces baltiques de l’empire russe, commence à faire son entrée dans l’horizon culturel du public français cultivé. Entendons-nous bien : si les sources du XIXe siècle sont relativement nombreuses par rapport à celles dont nous disposons pour le XVIIIe siècle, il ne faut pas se dissimuler que, dans l’ensemble, malgré ces publications, le public français ne s’intéresse guère aux provinces baltiques. Les contacts restent rares, et ces provinces ne jouent pas un rôle international suffisant pour avoir une réelle visibilité. La description de l’état du savoir en français sur l’Estonie ne prétend donc en aucun cas dire ce que le public savait de l’Estonie, mais simplement quelles étaient les informations disponibles, c’est-à-dire ce qu’il aurait pu savoir s’il avait lu toute cette littérature.

Après avoir dressé un bref inventaire des sources, je tenterai de décrire les principaux thèmes abordés et la façon dont ceux-ci sont traités. Que disent les auteurs français au sujet de l’Estonie, de son histoire, de sa géographie, de ses habitants et de leur culture ? Quelles informations sélectionnent-ils comme étant dignes d’être mentionnées ? Peut-on déceler des clichés récurrents ? des influences ? des procédés ? Bref, il s’agira en quelque sorte d’essayer de montrer comment se construit, au XIXe siècle, le savoir francophone sur l’Estonie.
Au cours de cet examen, je porterai aussi un intérêt particulier aux appréciations subjectives et aux jugements de valeur, qui jouent un rôle essentiel dans la construction de l’image de l’Estonie et des Estoniens.

Bien évidemment, le XIXe siècle est une longue période, qui n’est certainement pas homogène du point de vue qui nous occupe. On peut penser que les pratiques scientifiques et encyclopédiques évoluent. L’objet d’étude lui-même – l’Estonie – se modifie en outre considérablement : des changements sociaux et culturels décisifs s’y produisent, notamment l’abolition du servage, le réveil national, la formation de l’identité estonienne, le développement de la littérature, etc. Ces changements influencent nécessairement le regard extérieur porté sur les Estoniens et leur pays. J’essaierai donc aussi de cerner dans les textes des traces de ces évolutions.

I. CORPUS

Les textes du XIXe siècle traitant de l’Estonie peuvent être répartis en deux grandes catégories : on trouve d’une part des récits de voyage, genre alors très en vogue, et d’autre part des textes scientifiques ou encyclopédiques. En pratique, la frontière entre les deux n’est pas totalement étanche : les récits de voyage comportent généralement des parties documentaires, et certains ouvrages documentaires s’appuient sur une connaissance personnelle directe des réalités locales (par exemple les ouvrages du comte de Bray et de Louis Léouzon le Duc).

Le corpus que j’ai étudié comprend huit récits de voyage (cinq effectués vers le milieu du siècle, entre 1842 et 1857, un qui date de l’année 1800, deux autres impossibles à dater et qui ne sont peut-être pas des voyages authentiques, mais des compilations) et une vingtaine de textes documentaires qui se répartissent de façon relativement homogène entre 1812 et les toutes dernières année du siècle et relèvent de genres très divers : comptes rendus d’ouvrages, livres ou articles scientifiques, notices encyclopédiques. Ce corpus n’est certainement pas exhaustif, mais fournit sans doute, par sa diversité, un ensemble suffisamment représentatif, qui inclut probablement toutes les sources essentielles et influentes . Voici la liste des textes, classés pour chaque catégorie dans l’ordre chronologique. Les références bibliographiques complètes sont données dans la liste alphabétique en fin d’article.

Récits de voyage

1) Abbé GEORGEL, Voyage à Saint-Pétersbourg, en 1799-1800, 1818.
2) Georges Bernard DEPPING, Voyage pittoresque en Russie, 1832.
3) Vicomte d’ARLINCOURT, L’Étoile polaire, 1843.
4) Louis LÉOUZON LE DUC, La Baltique, 1855.
5) Alexandre DUMAS, En Russie : impressions de voyage, 1857.
6) A. C. BOUYER, Paysages du Nord, [1859].
7) M. d’HENRIET, « Voyage dans les provinces russes de la Baltique : Livonie, Esthonie, Courlande, 1851-1854 », 1865.
8) Louis LÉOUZON LE DUC, Vingt-neuf ans sous l’étoile polaire, 1879.

Articles et ouvrages scientifiques ou documentaires

1) Charles de RECHBERG, Les Peuples de la Russie, 1812.
2) Comte de BRAY, Mémoire sur la Livonie, 1814.
3) Comte de BRAY, Essai critique sur l’histoire de la Livonie, 1817.
4) Conrad MALTE-BRUN, compte rendu de Bray 1817, 1820.
5) Comte de BRAY, « Lettres sur les habitans de la Livonie et de l’Esthonie », 1823.
6) Xavier MARMIER, « La Russie méridionale et la Russie du Nord, par M. J.-G. Kohl », 1841.
7) Conrad MALTE-BRUN, Précis de la géographie universelle, 5e éd., tome III, 1845.
8) Alexandre BÜCHNER, L’Hercule de l’Esthonie, 1865.
9) Pierre LAROUSSE, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876.
10) Marie-Nicolas BOUILLET, Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878.
11) Élisée RECLUS, Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes, tome V, 1885.
12) Henry CARNOY, « Le folk-lore esthonien… », 1889.
13) Dr R. VERNEAU, Les races humaines, 1890-1891.
14) Louis LÉGER, « Ehstes ou Esthoniens », « Ehstonie ou Esthonie », La grande encyclopédie, tome 15, [1892].
15) Andres DIDO, « Littérature orale des Estoniens », 1893.
16) Andres DIDO, « Kalewipoeg, épopée nationale estonienne », 1894.
17) Ch. BANVILLE, « La littérature esthonienne et son Iliade », 1894 [reprise du résumé de Dido 1894, assortie d’une brève introduction].
18) Nouveau Larousse illustré, 1898-1907.

II. THÈMES

1. Géographie

Elisée Reclus (1830-1905)

Le premier auteur français à avoir fourni une description véritablement scientifique et détaillée de la géographie de l’Estonie est Élisée Reclus, en 1885, dans le tome V de sa monumentale Géographie universelle. Son traitement de la géographie physique est d’une précision remarquable, à tel point qu’il n’y a pas grand-chose à en dire dans le cadre de la présente étude. Si ce n’est que l’on n’a sans doute rien écrit d’aussi approfondi en français sur le sujet depuis lors.
Avant Élisée Reclus, à l’exception de l’ouvrage du comte de Bray (1817), les informations d’ordre géographique sont relativement maigres ou subjectives. Elles sont fournies pour l’essentiel par les récits des voyageurs, dont la particularité, outre leur caractère non scientifique, est d’entremêler constamment différents types d’informations. Les descriptions plus ou moins précises des paysages ou des villes sont ainsi parasitées par des informations touristiques (sur les sites intéressants, le confort des relais de poste, la qualité de la nourriture, les distances parcourues, etc.), mais aussi, en liaison avec les lieux visités, des informations historiques, des légendes, des anecdotes vécues, etc. Les informations factuelles sont presque toujours assorties de jugements de valeur.

L’éventail des lieux décrits est assez restreint. Il se limite pour l’essentiel à Tallinn et aux villes situées sur la route de poste pour Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire Tartu et Narva, avec parfois une étape au bord du lac Peipsi. Aucun voyageur français du XIXe siècle ne semble s’être aventuré hors de ces itinéraires balisés. Georges-Bernard Depping consacre un bref paragraphe descriptif à la ville de Pärnu, mais il n’est pas sûr qu’il s’y soit rendu lui-même. Alexandre Dumas parle quant à lui de l’île d’Œsel (Saaremaa), mais il ne fait que l’entrevoir de loin depuis le bateau qui, en 1857, le conduit de Stettin à Saint-Pétersbourg, ce qui ne l’empêche pas de livrer au passage quelques informations, d’ailleurs très curieuses, puisqu’il semble considérer que la capitale de Saaremaa est Riga. Louis Léouzon le Duc semble quant à lui affirmer que Reval est la seule ville de la région qui mérite vraiment d’être visitée : elle « résume à elle seule tout ce qu’offrent d’intéressant l’Esthonie, la Livonie et la Courlande ». Lui-même ne semble d’ailleurs pas être allé au-delà des environs immédiats de Tallinn (Viimsi, Keila-Joa).
Tallinn séduit tous ceux qui la visitent par la beauté de ses panoramas (l’arrivée en bateau, la vue depuis Toompea) et surtout son pittoresque médiéval empreint d’un certain mystère. La vieille ville inspire des descriptions détaillées et souvent enthousiastes.

Louis-Antoine Léouzon Le Duc (1815-1889)

Léouzon le Duc perçoit dans son architecture « une intention profonde, une volonté forte, une mystérieuse harmonie, fantôme d’un siècle qui semble avoir été pétrifié dans sa marche ». Son appréciation comporte toutefois un bémol : si le gothique tallinnois lui fait une certaine impression, il ne semble pas correspondre tout à fait à son sens esthétique, probablement plus classique : « C’est l’œuvre d’un goût souvent bizarre et faux. » Un détail mystérieux et morbide qui retient longuement l’attention des voyageurs est le cadavre momifié du duc de Croy, dans l’église Saint-Nicolas. Le vicomte d’Arlincourt lui consacre plusieurs pages et en fait même le personnage central d’un récit humoristique. En dépit de ces appréciations globalement très favorables, deux auteurs (Léouzon le Duc, Bouyer) soulignent la tristesse de la ville en hiver.
Les autres villes décrites font également l’objet de commentaires élogieux, quoique moins détaillés. L’abbé Georgel (1800) estime ainsi que Dorpat (Tartu) est une « jolie petite ville », les rues sont « larges » et « bien percées », les maisons sont « agréablement bâties, quoique la plupart construites en bois, et quelques-unes en brique », « le quartier où sont la place et l’hôtel de ville est bien bâti ». Aussi bien à Tartu qu’à Narva, il se déclare satisfait de l’hébergement et de la nourriture. Henriet, un demi-siècle plus tard, confirme cet avis positif sur Tartu, qui est selon lui « une des plus jolies villes des provinces baltiques ». Il ajoute : « Nombre de maisons affectent le style grec. Malgré les corporations remuantes des étudiants, divisés en nations, qui ne sont pas toujours d’accord, Dorpat a un grand air de tranquillité et de calme. » En revanche, il est plus réservé sur Narva : « la ville n’est pas laide, mais ses pavés durs et pointus sont bien désagréables pour ceux qui voyagent en télègue ». Il souligne également l’inconfort du couchage (le sommeil de son frère est perturbé par la vermine) et la médiocrité de la nourriture.

En dehors des villes, les paysages estoniens sont généralement décrits comme monotones, tristes et humides. Pour Charles de Rechberg, « des landes et une vue toujours uniforme se présentent par-tout au voyageur qui traverse cette contrée ». Léouzon le Duc souligne qu’il s’agit là d’une différence essentielle avec les paysages envoûtants du « véritable Nord » (Finlande et Scandinavie) : pour lui, l’Estonie « est déjà l’avant-poste des landes et des bruyères de l’Allemagne septentrionale : l’habitant du véritable Nord n’y reconnaît point sa patrie ». Cette parenté avec l’Allemagne du Nord est également signalée par Bouyer. Les encyclopédies qui comportent des appréciations subjectives sur le paysage ou le climat confirment cette impression générale peu favorable transmise par les voyageurs. Dans la Grande encyclopédie, Louis Léger écrit que « le climat est assez malsain à cause de l’humidité du pays ». Pour le Nouveau Larousse illustré, l’Estonie est une « contrée mélancolique, froide et humide à cause de sa mer et de la multitude des lacs et des étangs ».

Les ouvrages de type encyclopédique, notamment ceux publiés dans la deuxième moitié du siècle, nous fournissent des renseignements sur les activités économiques de la région, dont les voyageurs parlent assez peu. La plupart des auteurs estiment que le sol de l’Estonie (c’est-à-dire de la province d’Estonie, partie nord de l’Estonie actuelle) est « peu fertile » (Rechberg, Léouzon le Duc, Bouillet, Nouveau Larousse illustré). Le seul à avoir un avis divergent est le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, qui affirme au contraire que « le sol de l’Esthonie est généralement fertile ». Les principales cultures mentionnées sont les céréales (surtout du seigle et de l’orge, précise Larousse), le chanvre et le lin. Tous soulignent qu’on y pratique abondamment l’élevage (Larousse parle des « moutons saxons et mérinos », Bouillet mentionne les bœufs, les brebis, les chevaux, et aussi, de façon plus étonnante, les chèvres, effectivement plus courantes à l’époque qu’aujourd’hui ), ainsi que la pêche. Larousse indique même que l’on pêche des moules à perles dans le « lac Kolk » (peut-être le lac de Kahala, à proximité de Kolga ?), information a priori assez surprenante et dont je n’ai pu trouver aucune confirmation. Parmi les autres activités, Larousse cite l’exploitation forestière. Plusieurs auteurs mentionnent la production d’eau-de-vie. Toutefois, l’image générale qui se dégage de ces descriptions n’est pas celle d’un pays à l’économie très florissante. Rechberg se montre d’ailleurs pessimiste sur les chances de développement économique de l’Estonie : « Il ne faut cependant pas se dissimuler qu’un pays qui semble peu susceptible de culture, où la nature est généralement triste et inerte, et dont la position n’est pas favorable au commerce, ne peut jamais devenir florissant. »

2. Histoire

L’histoire politique de l’Estonie et de la Livonie, mieux documentée par des sources écrites en diverses langues, est connue en français avec un degré de précision et de détail plus élevé que la géographie. À vrai dire, les encyclopédies du XVIIIe siècle fournissaient déjà des exposés assez précis. On trouve pourtant dans celles du XIXe siècle quelques informations très approximatives, voire carrément fausses ou incohérentes. La principale d’entre elles concerne la conquête et la christianisation de l’Estonie. En effet, pour plusieurs auteurs de la seconde moitié du siècle (Larousse, Bouillet, Léger), l’Estonie n’a pas été conquise et christianisée d’abord par les chevaliers Porte-Glaive (à partir de 1208), mais par les Danois. Ce n’est pas totalement faux si on considère que le mot « Estonie » signifie ici l’Estonie du nord, où les Danois ont effectivement joué un rôle plus important que les Porte-Glaive. Mais les détails fournis sont en revanche assez curieux : cette conquête danoise aurait été faite au XIIe siècle selon Larousse, par Canut, roi de Danemark, fils de Waldemar Ier (en réalité, Canut IV est mort en 1086, et on voit mal comment il aurait pu conquérir quoi que ce soit au XIIe siècle!) ; dès la fin du XIe siècle selon Bouillet (en 1080 exactement). Bouillet précise tout de même que les Porte-Glaive se sont emparés du pays, mais il situe l’événement nettement plus tard, à la fin du XIIe siècle (au lieu du premier tiers du XIIIe siècle), et il pense que les Porte-Glaive et les chevaliers teutoniques se sont emparés ensemble du pays, qu’ils se sont ensuite partagés (alors qu’on sait que la présence de ces deux ordres en Estonie n’a pas été simultanée, mais successive, les Teutoniques n’intervenant qu’en 1237, après la disparition de l’ordre des Porte-Glaive). Bouillet poursuit, de façon totalement fantaisiste, en expliquant que l’Estonie s’est révoltée en 1218 contre les occupants et a appelé le roi de Danemark Valdemar II à l’aide, alors que celui-ci a évidemment été appelé à la rescousse par les envahisseurs germaniques. On voit là un exemple assez intéressant et assez concentré d’une technique involontaire que j’appellerais la vulgarisation au shaker : un auteur qui ne connaît strictement rien au sujet dont il doit traiter puise des informations exactes à une ou plusieurs sources, agite le tout et produit un résumé complètement faux. Louis Léger écrit quant à lui dans la Grande encyclopédie que les Estes ont été « soumis d’abord par les Danois, ensuite par les Allemands… ». En dépit de leurs divergences de détail, ces trois exposés historiques semblent avoir une source commune, que je n’ai pas réussi à identifier.

On trouve également des informations historiques, souvent très détaillées, sous la plume des voyageurs, où elles sont mises en rapport de façon relativement codifiée avec les lieux visités. Ainsi, un passage à Narva appelle chez l’abbé Georgel une référence à la bataille de Narva de novembre 1700, remportée par le roi de Suède Charles XII contre les troupes russes. Dorpat appelle quant à elle un exposé de l’histoire de l’université (Depping, Henriet). De même, l’évocation de Tallinn déclenche des récits ou des anecdotes historiques assez comparables chez différents auteurs (Léouzon le Duc, Arlincourt, Dumas).

3. Les Estoniens

Plus que la géographie ou l’histoire, les passages les plus savoureux dans les textes du XIXe siècle sont certainement ceux qui concernent les Estoniens. Il convient tout d’abord de signaler qu’il est parfaitement possible, à l’époque, de parler de l’Estonie sans mentionner les Estoniens. Certains auteurs ne consacrent pas une seule ligne à la population autochtone, soit qu’ils n’ont même pas conscience de leur existence, soit qu’elle ne constitue pas pour eux un objet digne d’intérêt. Ainsi, l’abbé Georgel, qui traverse l’Estonie en 1799 par la route de poste passant par Tartu, la rive du lac Peipsi et Narva, ne mentionne nulle part l’existence d’une population estonienne. Il parle en revanche des pêcheurs russes du lac Peipsi, qui l’empêchent de dormir avec leurs chansons et leurs cris d’ivresse. Les seules autres rencontres qu’il fait sur la route sont des Allemands ou des Russes. De même, pendant son séjour à Tallinn, le vicomte d’Arlincourt, noble légitimiste et écrivain à succès, fréquente uniquement l’aristocratie germano-balte ou russe. Sa seule mention d’un indigène se réduit au mot esclave, utilisé dans une anecdote sur le seigneur de Uexküll, condamné à mort au moyen âge par le conseil de Tallinn. Henriet voit quant à lui des paysans au bord de sa route, mais il ne semble pas avoir une claire conscience de leur appartenance ethnique. Il ne mentionne aucun nom de peuple ni de langue, mais les paysans qu’il décrit en relatant son passage près du lac Peipsi sont probablement des vieux-croyants russes, et non des Estoniens. À vrai dire, dans les récits de ces voyageurs du XIXe siècle, la plupart des descriptions nous présentent des tableaux étrangement figés. Ce sont pour l’essentiel des villes quasi-désertes, des paysages et des campagnes dépourvus de toute présence humaine, débarrassés de tout élément susceptible d’en réduire la pureté et la noblesse : pas de paysan misérable et mal vêtu travaillant dans les champs ou circulant sur les chemins, cela jetterait une ombre inesthétique sur le tableau. Le sens même du mot Estonien est ambigu. Dans l’usage de plusieurs auteurs, il ne réfère pas uniquement à la population de langue estonienne, mais aussi aux Germano-Baltes. Le vicomte d’Arlincourt ne l’utilise que dans ce sens. Léouzon le Duc, qui a pourtant parfaitement conscience de l’existence d’une population autochtone parlant l’estonien, utilise aussi aussi le mot Estonien pour désigner les nobles germano-baltes. Cette double signification se retrouve chez Bouyer.

Dans la première moitié du siècle, les auteurs qui parlent des Estoniens, au sens actuel, le font généralement de façon assez négative, parfois tempérée par quelques remarques positives. L’image qui se dégage est celle d’un peuple au caractère primitif, fruste et misérable. Les Estoniens sont manifestement perçus comme une sorte de sauvages européens, des sauvages pas méchants certes, déjà quelque peu éclairés par leur contact avec la civilisation que leur ont apportée les Allemands, mais tout de même pas encore tout à fait sortis de la barbarie. Ils sont notamment décrits comme moins civilisés que les autres peuples de la région baltique. Pour Rechberg, « les Esthoniens sont inférieurs aux autres Livoniens sous le rapport de la civilisation ». De même, selon Bray (1817), le Lettonien « a des habitudes moins grossières, et en général l’air plus civilisé » que l’Estonien. Bray qualifie les Estoniens de peuple « peu cultivé », « encore grossier ». Il s’étonne que le contact avec les Allemands ne les ait pas davantage civilisés : « Il est surprenant que les relations continuelles qu’ils ont avec les Allemands n’aient pas fait disparaître un plus grand nombre de leurs préjugés et de leurs habitudes. » On est loin en tout cas du mythe rousseauiste du « bon sauvage », loin aussi de la vision romantique du peuple porteur d’une culture ancienne et authentique qui mérite d’être valorisée. Cette dernière idée est toutefois formulée sporadiquement (Malte-Brun dès 1820), mais elle ne se généralisera que dans la seconde moitié du siècle, où l’image des Estoniens deviendra beaucoup plus positive. On peut donc dire que deux conceptions se succèdent dans les écrits en français sur les Estoniens : d’abord une conception classique ou aristocratique, héritière des Lumières et caractérisée par une condescendance plus ou moins méprisante, puis une conception romantique et post-romantique, beaucoup plus bienveillante.
Entrons maintenant un peu plus dans le détail, en examinant les différentes informations qui nous sont livrées au sujet des Estoniens.

L’apparence physique

Tous les auteurs décrivent leur apparence physique, donnée évidemment importante dans un siècle qui voit la naissance de l’anthropologie physique. Là aussi, au début du siècle, les jugements subjectifs ne donnent pas une image très attirante. Pour Charles de Rechberg, les paysans estoniens « ont un air stupide et ressemblent à des exilés dans les déserts ». Il ajoute que « les femmes esthoniennes sont malpropres ». Bray (1817) trouve également que les Estoniens ont un « air mal-propre et sauvage ». Il constate que « l’expression de la joie et de la gaieté n’anime que rarement leur visage ». Quant aux femmes, « la plupart sont laides et sans fraîcheur ». Dans la deuxième moitié du siècle, les descriptions ne comportent pas de jugement de valeur, car elles se limitent à des caractéristiques plus objectives, comme la couleur des cheveux ou des yeux. Au sujet des cheveux, Rechberg et Bray nous disent qu’ils sont généralement longs, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Presque tous les auteurs s’accordent sur leur couleur (blond ou brun). Malte-Brun (1845) les qualifie toutefois de « roux jaunes », et Larousse parle de cheveux « brun roux ». La couleur des yeux varie selon les auteurs : bleu gris (Larousse), bleus (Reclus), bleus ou gris (Léger), gris clair (Verneau). Dans la deuxième moitié du siècle, tous les auteurs signalent la ressemblance des Estoniens avec les Finlandais, et plus précisément les Tavastiens, c’est-à-dire les Finlandais du centre et de l’ouest de la Finlande (car on distingue à l’époque un autre type anthropologique de Finlandais : les Caréliens). Enfin, le plus étonnant, dans plusieurs de ces descriptions, est l’affirmation selon laquelle les Estoniens auraient un type un peu asiatique, mongoloïde, avec les paupières bridées. On retrouve cette idée, dans des formulations légèrement différentes, chez le comte de Bray, Élisée Reclus et Louis Léger. De l’avis général, les Estoniens sont de taille moyenne, et, selon deux auteurs (Reclus et Léger), ceux qui vivent à l’intérieur des terres sont plus « chétifs » que ceux du littoral.

La culture matérielle

La culture matérielle est globablement assez peu évoquée. L’aspect le mieux décrit est le costume. Plusieurs auteurs, tout au long du siècle, y consacrent des passages, avec des détails assez précis et pas toujours concordants, dont je n’ai pas cherché à vérifier l’exactitude ethnographique.
Sur l’architecture traditionnelle, les indications sont rares et très sommaires. Rechberg signale : « Les maisons des Esthoniens sont de bois : chaque paysan construit la sienne ; il ne lui faut à cet effet d’autre outil que sa hache. » Le comte de Bray (1817) constate simplement que les maisons présentent « un aspect délabré et misérable ». Seul le Dr Verneau fournit des explications d’une relative précision : « Les maisons esthoniennes sont précédées d’un vestibule dans lequel on entasse le combustible. Dans un coin de la principale pièce, on voit une espèce de four ou de poêle en maçonnerie entièrement semblable à celui des Finnois. L’entrée de la maison est toujours située du côté de l’Orient. Cette porte livre souvent passage à la fuméee, en même temps qu’à la lumière, un grand nombre d’habitations n’ayant ni cheminée ni fenêtre. Dans ces huttes petites, enfumées, s’entassent des familles entières pêle-mêle avec les poules, les brebis et les cochons. »

La culture spiriturelle

La culture spirituelle – terme sous lequel nous regroupons ici la religion, les superstitions, les coutumes et le mode de vie – intéressent en revanche beaucoup les auteurs. Le comte de Bray (1817) signale que les Estoniens « ont conservé certaines superstitions que la fréquentation permanente d’une nation éclairée [la nation allemande] n’a encore pu détruire ». (Notons au passage le « encore », qui semble dire que tout n’est pas perdu et que les Estoniens ont encore une chance de se civiliser.) En 1823, il revient sur la question et dresse un long catalogue de coutumes et superstitions estoniennes, dont certaines très étranges. Malgré le caractère détaillé de sa description, Bray ne manifeste aucune sympathie pour les croyances anciennes.
Conrad Malte-Brun (1820), dans son compte rendu de l’ouvrage de Bray, nuance ce jugement, en valorisant au contraire positivement les croyances traditionnelles : « Les croyances, ou, si l’on veut, les superstitions anciennes, ont un charme pour celui qui, dans l’histoire, cherche avant tout l’esprit humain. » Ce même Malte-Brun donnera en 1845 quelques détails (d’ailleurs assez étranges) sur les divinités des anciens Estoniens : Tara-Pyha ou Thorapilla (sic, manifestement une faute pour Tarapita), dieu qu’il rapproche (avec des réserves) du Thor scandinave ; Ioumala (Jumal), « nom générique de divinités bienfaisantes » ; Weles ( ?), nom « du mauvais principe et de ses émanations » ; Raggana (peut-être une faute pour Pagana ?), autre nom des « mauvais esprits ». Il mentionne aussi l’animisme : « Le trait dominant dans le culte des Esthoniens est l’adoration des fleuves, des montagnes, des grands arbres, des plantes et des animaux. » À la fin du siècle, le Dr Verneau livre lui aussi quelques détails sur les survivances du paganisme ancestral : « Quoique luthériens, les Esthoniens sont extrêmement superstitieux. Ils croient en la magie, et admettent l’existence de génies auxquels ils font des offrandes qui consistent en petits morceaux de cire, en laine, en menue monnaie ; ils déposent ces offrandes au pied de quelque arbre, dans des grottes, sur une pierre ou auprès d’un ruisseau. » Parmi les coutumes, ce sont celles qui sont liées au mariage qui retiennent le plus l’attention. Les auteurs qui les évoquent en soulignent l’ancienneté et l’étrangeté. Bray (1817) les décrit en détail sans faire de distinction entre Lettons et Estoniens. Reclus fournit ces indications très exotiques : « La fiancée se cache à l’arrivée du cortège nuptial et c’est de force qu’on l’amène à son futur ; à peine entrée dans la maison du mari, elle reçoit de sa belle-mère un coup au visage, symbole de ce qui l’attend dans sa nouvelle famille. »
Les danses traditionnelles sont évoquées uniquement par le comte de Bray (1817), qui, là encore, ne se montre guère admiratif : « Leurs danses sont bizarres et sans caractère proprement national. Chacun danse à sa fantaisie ; il y en a qui font les contorsions les plus ridicules ; d’autres aussi dont la danse ne manque ni de précision, ni d’élégance. Souvent, surtout au commencement de la fête, les hommes dansent avec les hommes, et les femmes avec les femmes. »
Larousse (citant un autre auteur du nom de Schoen) parle de la pratique des bains de vapeur : « Comme les Russes, les Esthoniens usent beaucoup des bains de vapeur. Le procédé qu’ils emploient pour produire la vapeur est fort simple : ils chauffent des pierres dans un four, les retirent et versent dessus de l’eau bouillante. »
L’alimentation est décrite uniquement par le comte de Bray (1817), qui la présente comme relativement riche et abondante, sans mentionner les disettes : « La nourriture du paysan consiste en farinage, gruaux, laitages, légumes et poissons, surtout quand il habite les bords de mer, des lacs ou des grandes rivières. La viande de porc est la seule qu’il mange habituellement. Il a aussi des poulets, des oies, des canards, dont il se régale aux jours de fête, et qui lui fournissent des œufs qu’il mange ou vend suivant sa convenance. Il ne se fait pas scrupule de voler du gibier. Le beurre est une branche essentielle de ses revenus, mais il consomme tout le fromage qu’il fait. »

Le caractère et les mœurs

Le caractère et les mœurs des Estoniens sont un thème assez courant, sur lequel on rencontre à nouveau un certain nombre de jugements de valeur négatifs. Selon le comte de Bray (1817), le caractère de l’Estonien « a été vivement attaqué par plusieurs des écrivains qui ont vécu dans ces provinces. Hupel, entre autres, […] les accuse d’être faux, méchants et sournois ; il leur reproche en outre une grande indifférence pour la religion. » Bray signale aussi la promiscuité entre filles et garçons, qui en hiver « couchent pêle-mêle dans la même chambre ». Toutefois, sur la base de ses observations personnelles, il réfute les accusations de libertinage portées par certains auteurs contre la jeunesse paysanne. Il estime que cela était sans doute vrai autrefois, mais que « les mœurs se sont généralement épurées ». On trouve des jugements défavorables jusque sous la plume, réputée scientifique, du Dr Verneau : « Les Esthoniens sont hardis, faux et vindicatifs ; ils sont moqueurs, très enclins à l’ivrognerie, d’une paresse et d’une malpropreté remarquables. » La tendance à l’ivrognerie est également signalée par le comte de Bray (1817) : « Les Lettoniens, et les Esthoniens aiment à se réunir dans les cabarets pour boire et pour parler. » Et plus loin : « Le goût que le paysan a pour cette dernière liqueur [l’eau-de-vie] est une véritable calamité pour lui, et nuit d’autant plus à sa fortune et à sa santé, qu’il a fréquemment le moyen d’y satisfaire. En effet les cabarets étant sources les plus abondantes, ils sont très multipliés en Livonie. Il n’est pas rare de rencontrer des paysans ivres. »
D’autres auteurs ont tout de même un avis plus positif sur les qualités morales des Estoniens. Malte-Brun (1845) dit qu’il s’agit d’une race « patiente, soutenue par une humeur joviale » et qui possède « un fonds de sentiments élevés ». Pour Larousse (citant toujours Schoen), les Estoniens « sont de bonne heure accoutumés à supporter les fatigues et les privations. Quant aux qualités morales, les Esthoniens ont de bonnes mœurs et mènent une vie régulière dans leur ménage. »

La condition paysanne et le servage

Les auteurs qui évoquent la condition paysanne et le servage le font en général en exprimant leur compassion, voire leur indignation devant le sort des paysans. Seul le comte de Bray (1817, vol. III, premier chapitre) tente de justifier le servage en affirmant que celui-ci est en un certain sens avantageux pour eux, car il leur permet de ne pas être livrés à eux-mêmes : leurs seigneurs les protègent contre la famine, et il est plus facile pour un paysan de payer la rente en nature, par son travail, qu’en espèces. Mais ce point de vue est une exception. Charles de Rechberg (1812) souligne que les défauts et la misère du peuple estonien sont dus « à l’oppression dans laquelle ils ont vécu long-tems » : « Le système féodal, qui a régné dans la Livonie jusqu’à nos jours, a maintenu les paysans dans un véritable esclavage. Ils ne possédaient rien en propre ; leur chaumière, leur champ, le fruit même de leur travail appartenaient à leur seigneur, qui, enfoncé dans les plaisirs d’une grande ville, songeait peu à ceux qui alimentaient son luxe par la sueur de leur front. » Il explique assez curieusement que leur sort est en train de s’améliorer, ce qui n’était en réalité guère le cas à l’époque où il écrit : « Le Gouvernement Russe a porté un regard paternel sur ces infortunés et s’occupe d’améliorer leur sort. » Conrad Malte-Brun (1845) trouve des accents lyriques pour plaindre les Estoniens et les peuples baltes : « Nos regards s’attristent en s’abaissant sur ces peuples (…), jadis maîtres de leur sol natal, aujourd’hui courbés sous le poids de six siècles d’une dure servitude, et qui ne relèvent que lentement vers le ciel, patrie de la liberté, leurs yeux si long-temps plongés sur leurs chaînes. » Henriet, dans le récit de son voyage effectué entre 1851 et 1854, décrit quant à lui en détail le supplice des verges dont il a été le témoin, en s’indignant de sa cruauté ; il le qualifie de « lamentable spectacle », « hideuse torture ». Selon lui, le crime du coupable « disparaissait devant l’horreur du châtiment ».

Origine ethnique, ethnonymes

Il faudrait enfin, pour clore cette partie sur les Estoniens, dire quelques mots de leur origine ethnique et de leurs ethnonymes. Presque tous les auteurs signalent la parenté des Estoniens avec les Finnois. Mais les termes utilisés pour désigner cette famille de peuples, ou plus précisément cette « race », différente de ce qu’on appelle alors la « race aryenne », varient beaucoup selon les textes. Ce qu’il faut tout d’abord noter, c’est que le terme finno-ougrien, qui est devenu pour nous évident, ne se rencontre jamais dans notre corpus, à une exception près : chez Larousse qui utilise le mot « finno-hongrienne » pour référer au groupe de langues dont fait partie l’estonien. Le mot finnois est souvent employé pour désigner non seulement les Finnois proprement dits, mais aussi ce que nous appelons aujourd’hui les peuples fenniques, et même plus largement l’ensemble de la famille finno-ougrienne (Léouzon Le Duc, Banville). Mais cette « race » à laquelle appartiennent les Estoniens est également qualifiée de sarmate (Bouillet) et de tartare (Büchner). En ce qui concerne les ethnonymes appliqués aux Estoniens, on trouve différents noms et différentes graphies : Esthes, Esthiens, Esthoniens : le h après le t est d’un emploi quasi systématique (alors qu’il ne figure pas dans les encyclopédies du XVIIIe siècle), mais certains auteurs (Reclus, Léger) placent ce h non pas après le t, mais après le e : Ehstes. Le seul auteur à ne pas employer de h est Andres Dido, qui explique de façon très claire son opposition à cette graphie, qui ne se justife selon lui « ni par l’étymologie », « ni par la prononciation française » (1893, p. 353, note 1). Le premier à s’intéresser au nom que les Estoniens se donnent dans leur langue est Malte-Brun en 1845 : « Comment écrire leur nom ? D’après l’analogie de leur langue il faudrait écrire Eest. » Et un peu plus loin : « Les Esthoniens eux-mêmes appellent leur patrie Eesti-ma. » Plus tard, Reclus et Léger mentionnent les noms Talupoeg et Maarahvas, avec des graphies un peu différentes (Reclus : « Tallopoëg, “Fils de la Terre”, ou bien Marahvas, “Gens du Pays” » ; Léger : « Talupoëg, Maarhvas (sic) »). Léger ajoute le nom Eestlased, ce qui, à l’époque où il écrit, était déjà vrai depuis une bonne vingtaine d’années.

4. Langue et littérature

La langue

La langue estonienne est assez mal connue. On peut dire sans crainte de se tromper qu’au XIXe siècle, aucun Français ne possédait le moindre rudiment de cette langue, et aucun linguiste français ne semble s’y être intéressé. On ne trouve en tout cas, dans les sources de l’époque, aucune information précise sur la phonologie et la grammaire de l’estonien. Tout ce que l’on peut apprendre, c’est que l’estonien est riche en voyelles et pauvre en consonnes (Reclus), et que la déclinaison comporte moins de cas que celle du finnois (Rechberg). La parenté avec le finnois est en revanche bien connue et mentionnée par plusieurs auteurs. De même, on trouve dans plusieurs sources un luxe de précisions sur les dialectes, avec toutefois d’importantes divergences sur le nombre et les noms de ces derniers, même si tous les auteurs s’accordent sur les deux principaux : celui du nord, appelé dialecte « de Reval », ou « de Revel », ou « de la Harrie » (Malte-Brun 1845) et celui du sud, appelé dialecte « de Dorpat », ou « de Verro » (Léger), ou « de l’Ungannie » (Malte-Brun 1845).
Les appréciations subjectives sur l’estonien sont dans l’ensemble assez positives. La plupart des auteurs qui en parlent (y compris le comte de Bray qui le considère pourtant comme un idiome pauvre et sauvage) soulignent que c’est une langue harmonieuse, aux sonorités assez douces. Certains (Bouyer, Reclus) ajoutent qu’il est particulièrement bien adapté à la poésie. Il est probable que la plupart de ces auteurs n’ont en réalité jamais entendu le moindre mot d’estonien, mais se contentent de répéter des adjectifs utilisés par d’autres (harmonieux, doux, sonore) et qui sont finalement assez banals dans le cadre d’une caractérisation naïve d’une langue étrangère.
Plusieurs auteurs donnent des indications sur les publications en estonien. Ces indications restent toutefois assez vagues (sauf dans les quinze dernières années du siècle, sur lesquelles nous allons revenir) et ont parfois un certain retard sur les événements. Larousse, par exemple, au milieu des années 1860, mentionne que la Bible a été traduite dans les deux dialectes du nord et du sud, mais estime qu’à part cela, la littérature estonienne se réduit à « quelques grammaires, deux dictionnaires, des fables, de petites histoires, des livres d’instruction élémentaire et la traduction d’un choix de poésies de Schiller ». Il ajoute que « depuis ces derniers temps, on publie une feuille hebdomadaire en esthonien, parsemée de tournures plus ou moins étrangères, et surtout de germanismes, dus aux Allemands qui cultivent cette langue. » Il fait probablement référence au Perno Postimees de Jannsen, fondé en 1857. Mais le reproche sur la mauvaise qualité de la langue semble un peu excessif dans le cas du journal de Jannsen, même s’il vaut pour d’autres publications de l’époque. C’est là tout ce que signale Larousse, sans aucune mention de l’épopée Kalevipoeg, dont la publication avait pourtant commencé aussi en 1857.

Folklore et littérature

Si l’Estonie a pu atteindre une certaine notoriété positive en France au XIXe siècle, c’est incontestablement par sa poésie populaire et par son épopée, qui feront l’objet de plusieurs articles très détaillés dans les quinze dernières années du siècle. Il est intéressant de suivre l’évolution des connaissances, mais aussi des opinions sur cette littérature folklorique.
Le premier à parler des chants populaires estoniens est le comte de Bray, dès 1814 dans son Mémoire sur la Livonie. Il cite les paroles originales d’un chant et en donne une version française, qui est sans aucun doute la première traduction française d’un texte estonien (voir Dianoux 1997). Dans son Essai critique sur l’histoire de la Livonie, il reprend ce chant, ainsi qu’un second, également en traduction, et fournit des informations assez justes sur les chants traditionnels. Il caractérise leur forme poétique comme une « prose cadencée et sans rimes ». Il n’a apparemment pas conscience de l’existence de l’allitération et de la rime initiale. Il signale que le chant est « l’apanage exclusif des femmes », lesquelles sont selon lui « les poëtes et les musiciennes de la nation ». Enfin, il explique la façon dont ces chants sont exécutés : « Ordinairement, une fille entonne le couplet et les autres répondent en chœur. Les hommes ne se mêlent à ces chants, que lorsque dans les fêtes, ils sont excités par les plaisirs de la table ou de la danse. Mais les filles chantent seules pendant qu’elles remplissent les divers travaux qui leur sont assignés, et cette coutume répand de la vie et de la gaieté sur la plupart de leurs occupations champêtres. » Son jugement sur la poésie estonienne est toutefois très mitigé, et même assez négatif : pour lui, la majeure partie des chants estoniens « sont vides de toute espèce de sens, et ne peuvent appartenir qu’à un peuple encore dans l’enfance. Par exemple ils chanteront pendant des heures entières : “L’hirondelle a brassé de la bière, l’alouette a porté du bois, le roitelet a mis le houblon ; etc.” ou telles autres puérilités ».
Malte-Brun (1820), rendant compte de l’ouvrage de Bray dans les Nouvelles annales des voyages, complète – de façon étonnamment pertinente – la description de la forme poétique. En examinant les deux textes, il identifie qu’il s’agit pour l’essentiel de tétramètres trochaïques et que certains vers s’écartent de ce schéma métrique de base, même si dans le détail sa description de ces variations rythmiques n’est pas très exacte. Il constate également l’emploi de l’allitération. Dans son ouvrage de 1845, ce même Malte-Brun refait une allusion rapide à la poésie populaire estonienne, en livrant un jugement déjà un peu plus positif que celui de Bray : dans ces chants « respirent à la fois la naïveté d’un peuple encore peu civilisé, et la mélancolie d’un peuple réduit en servitude ».
Léouzon le Duc (1855) traduit assez fidèlement trois chants populaire. S’il souligne lui aussi la naïveté des textes, qu’il qualifie de « bizarres », sa présentation est tout de même assez largement idéalisée dans un esprit romantique : il parle des « signes runiques » qui auraient servi autrefois (avant la conquête allemande) à noter les chants, et évoque « l’âme du peuple » : « De même que la Finlande, l’Esthonie se complaît surtout dans ses vieux chants nationaux. Elle sent que là est toute sa sève, toute son originalité, tout son génie. Ces chants sont nombreux ; ils jaillissent sous les pas des chercheurs. Les vieillards les ont conservés dans leur mémoire comme dans un sanctuaire inviolable. Chants variés à l’infini ; échos de l’histoire et de la vie, croyances populaires, sentiments intimes, joies, bonheurs, souffrances, amour, haine, résignation, vengeance : âme du peuple dans sa majesté idéale et dans ses effusions naïves. Bizarres, curieux sont ces chants, pleins de contradictions et de vulgarités étranges ; mais qu’importent les scories, si l’or bouillonne pur au fond du creuset ? » Pour lui, si ces chants nous paraissent ennuyeux, c’est seulement parce qu’ils sont impossibles à traduire de façon satisfaisante : « Ces poésies d’outre-Baltique perdent presque toute leur saveur en passant dans notre langue ; de là vient qu’en général nous les apprécions peu ; nous les repousserions tout à fait peut-être si, indépendamment du mérite littéraire qu’une traduction ne saurait transmettre, elles n’avaient encore une valeur historique et ethnographique qu’il ne nous est pas permis de dédaigner. Dans leur pays, au contraire, ces poésies jouissent d’une admirable popularité ; on les chante en famille, on se les répète à l’ombre des grands arbres. Le moindre des paysans se plaît à leur harmonie et cherche à pénétrer leur sens caché. »
Après la parution de Kalevipoeg, des textes plus nombreux sont consacrés à la littérature traditionnelle estonienne, et leur tonalité générale change. On ne s’attendrit plus sur la naïveté des chants estoniens, mais on souligne au contraire leur intérêt, leur richesse et leur valeur, et on déplore qu’ils ne soient pas suffisamment connus. Il est probable que c’est l’existence d’une épopée qui a modifié subitement le regard porté sur le folklore estonien et l’a rendu beaucoup plus digne d’intérêt. Le degré de précision de ces articles de la fin du siècle est également sans commune mesure avec les textes assez approximatifs de la période prédécente. Le contenu narratif de Kalevipoeg est par exemple résumé de façon très précise par Alexandre Büchner (1865), puis par Andres Dido (1894).

Andres Dido (1855-1921)

Celui-ci résume également les « anciens contes du peuple estonien » de Kreutzwald, et donne même la traduction de trois d’entre eux ; il livre en outre une bibliographie très complète des ouvrages sur le folklore estonien (1893). Henri Carnoy, dans son allocution au Congrès international des Traditions populaires (1889), donne des informations précises et détaillées sur le travail de collecte du folklore estonien, et notamment sur la vie et l’œuvre de Jakob Hurt, dont il fait un éloge particulièrement chaleureux : « De tels hommes s’imposent à l’admiration et à la sympathie universelles. » Les avis sur l’authenticité de Kalevipoeg révèlent toutefois un certain retard par rapport au dernier état des connaissances. Büchner considère Kalevipoeg comme une authentique épopée populaire, « recueillie de la bouche du peuple » par « plusieurs savants », dont il cite les noms en les écorchant : Kreuzmann et Fahlmann. L’authenticité de l’œuvre avait pourtant été remise en question, en Estonie et ailleurs, avant même l’achèvement de la parution. Mais ces débats ne semblent pas avoir atteint notre auteur, qui nous dit : « Plus sincères que Macpherson, les éditeurs n’ont pas décoré leur trouvaille d’un nom sonore, mais apocryphe. Ils avouent qu’ils ignorent complètement à quel poète ces chants doivent leur existence. » Il constate que Kalevipoeg présente de troublantes similitudes avec les mythes et légendes d’autres peuples. Mais comme il croit que c’est une création populaire authentique, il ne peut évidemment expliquer ces similitudes par des emprunts, car les paysans anonymes qui ont créé ces chants ne peuvent avoir lu les classiques. L’explication ne peut pas résider non plus dans une origine commune, puisqu’on sait que les Estoniens sont « de la race tartare, qui n’a rien de commun avec les Aryens ». La seule explication possible, pour lui, est donc « l’influence décisive du climat » ! Globalement, son appréciation sur Kalevipoeg est très favorable. Dans son article sur Kalevipoeg, Andres Dido ne remet pas non plus en question l’authenticité de l’épopée.
Élisée Reclus est toutefois mieux informé : « Cette “épopée” ne comprend que de simples traditions mises en vers modernes ; elle n’est pas même, comme le Kalevala karélien, un recueil de chants originaux. »

III. MÉTHODES

Après ce passage en revue des thèmes dominants, je voudrais dire quelques mots des méthodes utilisées par les auteurs, et plus particulièrement de la façon dont sont obtenues ou produites les informations.
La question la plus évidente que l’on peut se poser en lisant ces textes est celle des sources : d’où sont tirées les données qui alimentent ces exposés sur l’Estonie et les Estoniens ? Il n’est pas toujours facile de répondre à cette question dans les cas concrets, car il est relativement rare que les auteurs citent leurs sources avec précision. On peut dire néanmoins que celles-ci sont de trois types. 1) Le premier est l’observation directe. C’est un cas assez rare, limité à quelques auteurs qui ont eu un contact personnel avec le pays : le comte de Bray, Léouzon le Duc et les autres voyageurs de notre corpus (bien que toutes les informations fournies par les voyageurs ne soient pas issues de l’observation directe). 2) Le deuxième type de source est constitué par les ouvrages spécialisés en langue étrangère. Les rares auteurs citant leur sources (principalement Malte-Brun, Léger et Reclus) nous permettent de voir qu’il s’agit pour l’essentiel d’ouvrages en allemand, plus rarement en russe. C’étaient d’ailleurs les seules sources scientifiques fiables disponibles à l’époque sur ce domaine.
Pour autant que l’on puisse en juger, l’emploi de sources étrangères concerne moins de la moitié des textes de notre corpus. Souvent, d’ailleurs, les sources utilisées sont déjà un peu anciennes : les auteurs français reproduisent alors des informations périmées (comme dans le cas de la présentation de la littérature estonienne par Larousse).
3) Enfin, un troisième type de source est constitué par les ouvrages antérieurs en français. Il s’agit là, apparemment, d’un cas assez fréquent : une grande partie de ce qui s’écrit en français sur l’Estonie au XIXe siècle consiste à reproduire ou à reconditionner des informations déjà disponibles, à produire des textes à partir d’autres textes.
Ce phénomène d’« hypertextualité » (au sens genettien) prend des formes diverses. Cela va du plagiat pur et simple à la synthèse intelligente, en passant par le patchwork de citations, la paraphrase et le résumé. Ces pratiques se rencontrent aussi à l’intérieur de l’œuvre d’un même auteur : on a des exemples d’auto-plagiat (notamment chez Léouzon Le Duc). On peut dire en tout cas, sur la base des textes examinés, que le système de production et de diffusion du savoir francophone sur l’Estonie tourne en circuit relativement fermé, alimenté seulement par un nombre limité de sources extérieures. La conséquence de cela est une certaine réduplication des informations et la constitution de clichés récurrents (comme on l’a vu par exemple dans les jugements sur la langue estonienne). En outre, ce système ne comporte aucun véritable spécialiste du domaine. La quasi-totalité des auteurs écrivent sur des sujets auxquels ils ne connaissent manifestement rien ou presque rien. La conséquence est que, non seulement ils ne sont pas en mesure de corriger les erreurs qui figurent dans leurs sources, mais ils en ajoutent souvent de nouvelles. Les erreurs se transmettent et se transforment d’un texte à l’autre. C’est sans doute ce qui explique, par exemple, ces remarques étonnantes sur les traits mongoloïdes ou asiatiques des Estoniens.
Deux ouvrages jouent un rôle central dans ce système, en lui fournissant un input d’information important qui sera abondamment réutilisé : pour la première moitié du siècle, ce sont les trois volumes de l’Essai critique sur l’histoire de la Livonie du comte de Bray, et pour la deuxième moitié le livre de Léouzon le Duc, La Baltique. Par exemple, Conrad Malte-Brun, dans son compte rendu de l’ouvrage du comte de Bray, se limite pour l’essentiel à en reproduire mot pour mot de longs passages, parfois entre guillemets, la plupart du temps sans guillemets, en réorganisant les extraits à sa manière selon la technique connue aujourd’hui sous le nom du « copier-coller ». De même, Bouyer s’inspire très largement, dans ses descriptions de Tallinn et de ses environs, du texte de Léouzon le Duc, lui empruntant des mots et des formules qu’il réorganise dans des phrases différentes mais de même sens. L’abondance de ces emprunts rhétoriques et stylistiques fait même douter de la réalité de ce voyage : peut-être s’agit-il simplement d’un voyage en chambre, par livres interposés, malgré l’emploi du je ? Ce même Bouyer, décrivant la littérature estonienne de l’époque, reproduit scupuleusement les erreurs ou les coquilles de Léouzon le Duc, par exemple dans les noms des lettrés qui s’attachent à promouvoir la littérature en estonien : Mading au lieu de Masing, Knüffer au lieu de Knüpffer. Léouzon le Duc est également la source principale d’Alexandre Dumas, qui lui emprunte l’essentiel des informations qu’il fournit pour agrémenter la rapide description de son passage au large de Tallinn, notamment plusieurs anecdotes qui sont des classiques de la littérature touristique de l’époque (l’étymologie populaire du nom de Reval (Reh fall), l’histoire du baron Uexküll, le cadavre du duc de Croy…). Mentionnons, pour finir, un procédé rhétorique abondamment utilisé dans les textes : celui de la familiarisation analogique, consistant à ramener l’exotique au familier en le comparant à des réalités connues du lecteur français. Kalevipoeg est ainsi « l’Hercule de l’Estonie » (Büchner), le personnage éponyme de la légende de Linda est « l’Arthémise du Nord » (Arlincourt), etc. Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité du XIXe siècle, et on retrouvera la même rhétorique par exemple chez Jean Cathala dans les années trente du XXe siècle.

CONCLUSION

L’étendue et la précision des connaissances sur l’Estonie s’améliorent incontestablement au fil du siècle. Les attitudes aussi évoluent : la condescendance et le mépris que l’on rencontre au début de la période cédent la place dans la deuxième moitié du siècle à une sympathie chaleureuse pour un petit peuple longtemps opprimé, porteur d’une riche tradition poétique. Certes, on peut considérer que l’Estonie fait à cette époque son entrée dans l’horizon culturel du public français, mais il est clair que c’est encore un horizon assez lointain, et que les préjugés et les erreurs restent fréquents, comme on a pu le constater. Les sources françaises du XIXe siècle nous montrent à cet égard le meilleur comme le pire. Et l’analyse de la façon dont ce savoir ou ce pseudo-savoir s’est constitué devrait nous inciter à nous interroger sur les modalités actuelles de production et de vulgarisation du savoir francophone sur l’Estonie. En dépit d’incontestables progrès quantitatifs et qualitatifs, certains travers du XIXe siècle ont perduré jusqu’à ces dernières années : erreurs et stéréotypes circulant d’un texte à l’autre, superficialité, recopie fautive d’ouvrages étrangers, etc. Ce sont là des traits caractéristiques des domaines du savoir peu ou pas représentés à l’université ou dans la recherche : faute de réelle concurrence, la production de l’information (y compris à prétention scientifique) y est assurée par des auteurs aux compétences très inégales, et des dilettantes absolus peuvent aisément se faire passer pour des spécialistes.

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Article paru dans la revue Études finno-ougriennes, tome 40 (année 2008), Paris : ADÉFO, 2009, pp. 85-112.