Si la première moitié d’octobre a été calme en politique, la fin du mois l’a largement compensée avec plusieurs affaires impliquant EKRE, le parti d’extrême-droite membre de la coalition gouvernementale, à la Une de l’actualité. Tout d’abord, la ministre du commerce extérieur et des nouvelles technologies, Kert Kingo (EKRE) a présenté sa démission au Premier ministre Jüri Ratas après avoir été coupable de mensonge à la tribune du Riigikogu1. Avant cette démission, la ministre, qui avait été nommée après la démission de son très éphémère prédécesseur au printemps dernier2, avait été constamment sous le feu des critiques en raison de ses diverses prises de parole. Elle avait notamment expliqué vouloir se déplacer à l’étranger le moins possible et ne s’exprimer qu’en estonien.

Avec cette démission, le parti dirigé par Mart Helme s’est retrouvé face un problème de personnel, les candidats potentiels étant très limités ; et les échecs des deux précédents ministres peuvent rebuter certains à accepter un tel poste. De plus, EKRE a menacé de jouer la montre pour ce dossier s’il n’obtenait pas satisfaction dans un autre dossier, le choix du remplaçant de Lavly Perling, la procureure générale d’Estonie. Le mandat de la procureure générale en poste arrivant à son terme le 31 octobre, les partis de la coalition devaient décider qui nommer pour les cinq ans à venir. Si Isamaa et le Parti du centre soutenaient la reconduction de Lavly Perling, EKRE y était farouchement opposé. En effet, le parti, conformément à sa promesse de campagne, cherche à renouveler les personnes en charge de la police et de la justice (en août, les dirigeants d’EKRE ont tenté d’obtenir le départ d’Elmar Vaher, le directeur de la police). Finalement, le ministre de la justice Raivo Aeg (Isamaa) a renoncé à un second mandat de Mme Perling. Ce renoncement n’a toutefois pas résolu le problème immédiatement puisque EKRE a un temps menacé de nommer le remplaçant de Kert Kingo que si le nouveau procureur général lui convenait. Le 1er novembre, le parti a néanmoins annoncé proposer Kaimar Karu (apolitique), un spécialiste des nouvelles technologies installé à Londres. Ce choix a plutôt surpris, car Mart Helme avait quelques jours auparavant annoncé qu’il était important de trouver une personne compétente dans le secteur du commerce extérieur, les nouvelles technologies n’étant pas la priorité – EKRE est de manière générale loin d’être en phase avec le rêve numérique estonien.

Parallèlement, EKRE a fortement critiqué le ministre des affaires sociales Tanel Kiik (Parti du centre) et le financement par le ministère de ce dernier d’une association Eesti LGTB Ühing. Le parti a réaffirmé ses positions hostiles à la communauté LGTB lors d’une réunion de ses cadres à Tartu et appeler à l’arrêt total des subventions publiques aux organisations qu’il considère comme étant idéologiques. Ces déclarations s’inscrivent dans une suite d’actions menées en Estonie. À Pärnu, les militants locaux d’EKRE ont perturbé la tenue d’une projection de film (organisée dans le cadre du festival du film LGTBI+ Festheart de Rakvere). Le 1er novembre, EKRE a manifesté sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Tartu alors qu’un centre pour jeunes de la ville organisait le même jour une rencontre-discussion sur le thème de l’homosexualité.

Sur le plan social, les négociations entre partenaires sociaux autour du salaire minimum qui entrera en vigueur le 1er janvier ont échoué et nécessitent l’intervention de l’État. Syndicats de salariés et d’employeurs n’ont pas réussi à s’accorder autour du nouveau salaire minimum, actuellement de 540 euros brut par mois (soit théoriquement 516 € net). Si les délégués des organisations s’étaient mis d’accord en août autour d’un salaire de 578 euros, l’accord a été refusé par l’union centrale des syndicats de salariés. Alors que le patronat a proposé un nouveau salaire à 583,20 euros, les syndicats souhaitent faire respecter l’accord selon lequel le salaire minimum ne peut pas être inférieur à 40 % du salaire moyen pronostiqué par la Banque d’Estonie. Ainsi, le salaire minimum brut ne pourrait être inférieur à 600 euros brut (soit 11 % d’augmentation). Début 2019, le salaire minimum avait connu une augmentation de 8 %.

Thème plus léger, avec l’arrivée de l’automne et la chute des feuilles mortes, les habitants des villes, notamment de Tallinn et de Tartu, doivent supporter un fléau sonore qui prend de plus en plus d’ampleur : les bruyantes souffleuses à feuilles. Plus efficaces que de simples râteaux, les souffleuses, devenues populaires y compris auprès des simples résidents, apparaissent dans les parcs et les jardins pour les débarrasser des feuilles mortes, au grand dam des habitants et de leurs oreilles. Face à une contestation déjà existante les années précédentes, la ville de Tallinn a décidé de légiférer et de durcir les conditions d’utilisation de ces appareils. À Tartu, un ramassage de feuilles mortes a été organisé le 2 novembre sur la colline de Toomemägi pour « réhabiliter » le râteau (avec un jeu de mots en estonien dans le mot rehabiliteerimine – réhabilitation – dont les quatre premières lettres reha signifient râteau).

Côté sport, début octobre, l’Estonie a remporté ses premières médailles aux Championnats du monde d’athlétisme depuis 2013. Maicel Uibo et Margus Kirt ont chacun remporté la médaille d’argent, lors des épreuves du décathlon et du lancer du javelot respectivement, devenant les cinquième et sixième athlètes estoniens récompensés depuis les premiers championnats, en 1987. Avant eux, le lanceur de disque Gert Kanter (cinq médailles, dont une en or en 2007), le lanceur de javelot Andrus Värnik (deux médailles, dont une en or en 2005), le décathlonien Erki Nool et le lanceur de marteau Jüri Tamm (une médaille chacun) étaient déjà montés sur un podium.

Mais l’événement sportif du mois date de fin octobre puisque le pilote de rallye Ott Tänak est devenu le premier Estonien a remporté le championnat du monde des rallyes (WRC). Après deux saisons achevées à la troisième place du classement général, le pilote, avec son copilote Martin Järveoja, a confirmé les espoirs placés en lui et enfin battu tous ses rivaux. Avec son titre mondial, Ott Tänak a par la même occasion mis fin à 15 ans de règne des pilotes français (Sébastion Loeb entre 2004 et 2012 et Sébastien Ogier entre 2013 et 2018).

Enfin, le 27 octobre, le sud de l’Estonie a souffert d’une tempête qui a fait une victime et plusieurs millions d’euros de dégâts matériels. Surtout, cet événement météorologique a plongé plusieurs dizaines de milliers de foyers dans le noir et les a privés d’eau courante, notamment la totalité de Võru. Dans certains villages, comme dans le Setomaa, l’électricité n’a pu être rétablie qu’après plusieurs jours. De plus, la tempête a entraîné des coupures d’accès à Internet, provoquant par exemple des perturbations au poste frontière de Luhamaa (Võrumaa). Les coupures ont mis en lumière l’importance du maintien de l’accès aux bases de données de l’État sur l’ensemble du territoire.

1 Après la démission de sa conseillère en communication, la ministre a engagé Jakko Väli, un ancien présentateur de la chaîne Tallinna TV. Toutefois, le passé de Väli, plusieurs fois condamné avec sursis pour conduite en état d’ivresse, dettes, etc. a rapidement fait faire marche arrière à Kert Kingo. Si un contrat de travail avait été signé, la ministre a affirmé aux députés qu’elle n’avait jamais été en relation avec Jakko Väli.

2 Malgré la publication dans la presse de soupçons de violences conjugales, Mart Kuusik (EKRE) avait prété serment devant le Parlement, avant de démissionner le lendemain.

Photo : Argo Ingver – Maaleht