La première moitié du mois de mars a été marquée par la hausse continue du taux d’incidence de Covid-19. Après avoir atteint le seuil de 1000 malades sur deux semaines le 1er mars, le taux a atteint un niveau record de 1552 le 18 mars. Ce niveau a un temps fait de l’Estonie le pays le plus touché en Europe et dans le monde. Dans les régions du nord du pays, certaines communes ont été durement touchées avec des taux supérieurs à 3000/100000. Conséquence de cet aggravement, plus de 300 personnes sont décédées au cours du mois de mars. Face à l’afflux de malades dans les hôpitaux (Tallinn, Rakvere), des mesures ont été mises en place pour déplacer certains malades vers les hôpitaux du sud du pays, relativement moins touché.

Face à cette hausse rapide du nombre de nouveaux cas de Covid-19, le gouvernement estonien a décidé de renforcer les mesures de lutte contre la pandémie. Ainsi, à partir du 11 mars, tous les établissements scolaires ont été fermés et l’enseignement à distance réinstauré pour tous les écoliers estoniens ; seuls les jardins d’enfants sont restés ouverts. En parallèle, la fermeture des magasins non essentiels a été ordonnée, seul le retrait de marchandises a été maintenu, et les restaurants ont dû limiter leurs activités à la vente à emporter. Les premiers effets positifs sont apparus une dizaine de jours plus tard avec une baisse quasi continue du taux d’incidence, qui retrouve fin mars le niveau du début du mois. Toutefois, les hospitalisations demeurent nombreuses.

Comme ailleurs en Europe, le processus de vaccination se poursuit : 15 % de la population avait reçu au moins une dose fin mars. Après le temps des polémiques concernant la vaccination du personnel politique, il a finalement été décidé de vacciner l’ensemble des membres du gouvernement. Pour accélérer le rythme, des centres de vaccination de masse ont été progressivement installés.

Toutefois, les mesures gouvernementales ne sont pas du goût de tous. Le 20 mars 2021 par exemple, dans le cadre d’une manifestation baptisée Sõidame Eestimaa vabaks(Circulons pour libérer l’Estonie), des protestataires ont sillonné plusieurs villes d’Estonie en voiture pour exprimer leur rejet des restrictions.

À Tartu, un débat intense agite la population depuis quelques semaines autour d’un projet de centre culturel dans le centre-ville. Prévu dans le parc central (Keskpark), ce centre, Südalinn kultuurikeskus dit SÜKU, doit réunir la bibliothèque municipale, le musée d’art de Tartu et une salle de 500 places. Promesse électorale du parti de la Réforme (dont est issu le maire actuel Urmas Klaas) en 2017, le SÜKU fait de nouveau l’actualité alors que commission des Affaires culturelles du Parlement estonien doit décider quels grands projets bénéficieront du statut « objet culturel d’importance nationale » (et du soutien financier en découlant). (Trois lieux ont par le passé bénéficié de ce statut : le musée KUMU, le Musée national estonien (ERM) et l’Académie estonienne de musique.) Qualifié parmi les 11 finalistes, le SÜKU est devenu le sujet numéro 1 de la vie politique locale alors que les élections municipales se profilent à l’horizon. Les partisans du projet, dont le parti de la Réforme et les Sociaux-Démocrates qui gouvernent en coalition, voient dans le SÜKU une opportunité pour Tartu et l’ensemble du Sud de l’Estonie, surtout à l’approche de 2024 lorsque que la ville universitaire sera capitale européenne de la culture. Aux côtés des élus, 500 personnalités issues du monde culturel et universitaire ont signé une déclaration en faveur du projet. Face à eux, des opposants refusent de voir disparaître une partie du parc central de la ville (aujourd’hui peu utilisé et en mauvais état, exception faite d’une aire de jeux pour enfants) et critiquent la construction d’un bâtiment trop imposant au détriment des arbres présents. Une pétition lancée a déjà été signé par 5000 personnes. Parmi les opposants, certains, comme au parti du Centre, soutiennent l’idée d’un complexe à proximité du musée national estonien dans le quartier de Raadi. Des élus de l’opposition municipal, auxquels s’est joint le parti Eesti 200, ont, eux présenté une vision alternative, sans construction urbaine. Le SÜKU risque donc d’être un des sujets numéro un de la campagne électorale débutante à coups d’images plus ou moins de foi à propos du projet. Le sujet fait d’autant la Une qu’il mobilise aussi en dehors de Tartu. Les partisans d’autres projets concurrents estiment que Tartu ne devrait pas être choisi après avoir reçu les aides pour la construction du musée national ; il conviendrait mieux d’investir dans d’autres régions que les deux grandes villes du pays.

Conséquence de la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale en janvier, des changements ont été opérés au Parlement. Jüri Ratas, redevenu simple député, a été élu président du Riigikogu à la place d’Henn Põlluaas. Il retrouve ainsi le bureau de l’assemblée législative, puisqu’il en avait été le second vice-président entre 2007 et 2016. Depuis 2021, les deux vice-présidents sont Hanno Pevkur (Parti de la Réforme) et Martin Helme (EKRE). Rapidement après son élection, Jüri Ratas a décidé de tourner la page du mandat d’Henn Põlluaas (EKRE) en réinstallant dans la Salle blanche du château de Toompea le drapeau européen que son précédent d’extrême-droite avait retiré en 2019.

Pendant que certains secteurs de l’économie souffrent de la pandémie, certaines entreprises estoniennes continuent de croître. Après Skype (2005), Playtech (2007), TransferWise (désormais Wise, 2015), Bolt (ex-Taxify, 2018) et Pipedrive (2020), l’entreprise Zego, spécialiste de l’assurance de véhicules professionnels, est devenu la sixième licorne (start-up non cotée en bourse d’une valeur supérieure à un milliard de dollars) « estonienne » (basée à Londres, l’entreprise a été cofondée par l’Estonien Sten Saar).

En mars, le milieu du sport a été secoué par le témoignage d’une ancienne joueuse de football du club de Nõmme Kalju (Tallinn) à propos de sa relation passée avec l’un des entraîneurs du club alors qu’elle était mineure (14 ans au début de la relation). Alors que la législation fixe la majorité sexuelle à 14 ans, ce qui n’implique donc pas d’infraction, ce témoignage, et celui d’autres joueuses qui ont rapporté l’intérêt de l’entraîneur pour plusieurs joueuses, a mis en lumière les comportements déplacés des entraîneurs vis-à-vis des jeunes dont ils ont la charge. Dans ce contexte, le club de football d’Elva (région de Tartumaa) a mis un terme à toute collaboration avec un entraîneur qui avait envoyé des photos inappropriées quelques années auparavant. De même, des témoignages ont été publiés à propos de l’ancien entraîneur de différentes équipes féminines d’Estonie de basket. Très vite, des voix se sont élevées pour réclamer un changement et le relèvement de la majorité sexuelle, ce que Signe Riisalo, la ministre de la Protection sociale a promis d’initier.

En termes de résultats, Henri Sildaru, petit frère de la championne de ski freestyle Kelly Sildaru, est à son tour devenu champion du monde junior en Russie. De son côté, l’équipe féminine d’épée a obtenu sa qualification pour les JO de Tokyo. Ce résultat, qui permet la présence de trois épéistes lors des épreuves individuelles en plus de l’épreuve par équipes, laisse espérer une médaille olympique pour l’Estonie. En revanche, l’avenir s’assombrit pour le lutteur Heiki Nabi. Le double champion du monde et médaillé olympique de Londres a été contrôlé positif à un produit dopant.

Enfin, dans l’optique du concours Eurovision de chanson qui devrait avoir lieu à Rotterdam (Pays-Bas) en mai, les Estoniens ont une fois encore choisi leur représentant lors du concours Eesti Laul. Sans grande surprise, c’est le chanteur Uku Suviste qui a remporté le concours national avec sa chanson The Lucky One. Déjà vainqueur il y a un an, il n’avait pas pu défendre l’Estonie en raison de l’annulation de l’Eurovision 2020 et le public estonien semble avoir voulu lui redonner une seconde opportunité.

Photo : Le projet SÜKU vu par le rassemblement citoyen Tartu Eest (page Facebook)