Comme chaque année en mai, les Estoniens suivent de près le concours Eurovision de la chanson, qui se déroulait cette année à Malmö en Suède. Grâce à leur victoire lors du concours national Eesti Laul, les groupes 5miinust et Puuluup représentaient le pays avec la chanson (nendest) narkootikumidest ei tea me (küll) midagi. Sixième de leur demi-finale, les six Estoniens se sont qualifiés pour la finale où ils ont terminé à la vingtième place.

Au Parlement, les députés ont adopté une réforme de la loi sur les élections. Depuis près de vingt ans, les citoyens estoniens (et les résidents permanents pour les élections locales et européennes) ont la possibilité de voter en se rendant dans un bureau de vote ou en votant en ligne. La procédure en ligne nécessite toutefois l’utilisation d’un ordinateur, l’authentification se faisant à l’aide de sa carte d’identité à puce. Dans un contexte où le smartphone remplace de plus en plus l’ordinateur (l’authentification se faisant grâce au système Mobiil ID ou à l’application SmartID), le législateur a décidé d’intégrer les systèmes d’identification sur mobile à la loi relative aux élections. Au printemps 2027, les citoyens estoniens n’auront plus besoin d’un ordinateur et de leur carte à puce pour exprimer le choix politique.

Toujours au Riigikogu, les élus estoniens ont débuté l’examen du projet de loi relatif au soutien de l’utilisation de l’énergie nucléaire en Estonie. Une fois le texte adopté, l’État estonien devra prendre les différentes mesures requises pour créer le cadre nécessaire pour la construction d’une centrale nucléaire. Les partisans du projet estiment que l’énergie nucléaire constitue un outil adéquat pour diversifier la production d’énergie dans le pays, garantissant en corollaire une meilleure sécurité nationale. Le 29 mai, le texte a franchi la première étape du processus législatif, ouvrant l’étape de l’examen des amendements, en juin.

En économie, l’entreprise Skeleton Technologies, spécialiste des batteries, a annoncé un investissement de 600 millions d’euros sur cinq ans à Toulouse. L’entreprise, dont le siège est à Tallinn et déjà présente en Allemagne, souhaite y implanter ses activités de recherche et développement et de production de superbatteries.

À Tallinn, la transition politique initiée depuis la chute du Parti du centre et la formation d’une nouvelle coalition ne se fait pas sans difficulté. Chaque membre de la coalition s’est vu attribuer deux postes de maire d’arrondissement. Pendant que le maire-adjoint en charge des transports Kristjan Järvan (Isamaa) prend des positions peu en phase avec le discours de transition énergétique défendue par la coalition, notamment en appelant à un arrêt des mesures anti-voitures, le Parti social-démocrate a toutes les difficultés pour trouver une personne au poste de maire d’arrondissement pour Lasnamäe. Arrondissement le plus peuplé de Tallinn (117 000 habitants, soit un quart de la population de la capitale), Lasnamäe se distingue par la composition ethnique de sa population : en effet, si les Estoniens sont majoritaires dans les sept autres arrondissements de la ville, deux habitants sur trois de Lasnamäe s’identifie comme étant russe. L’arrondissement a été au fil des années un arrondissement essentiel pour le Parti du centre qui s’appuie fortement sur l’électorat russe et constitue donc un enjeu particulier pour la nouvelle coalition. Le Parti social-démocrate, à qui l’arrondissement a échu, a proposé le poste à Tatjana Lavrova, une personnalité locale très active dans le milieu associatif, notamment dans le mouvement Teeme Ära (Let’s Do It). Malheureusement pour elle, certains propos tenus dans diverses interviews (selon elle, le monument du Soldat de bronze n’aura dû été déplacé ainsi en 2007 ; ses positions sur la Crimée sont restées floues…) et ses actions passées (collecte d’argent pour les anciens combattants de l’armée Rouge, envoi d’un courrier à Vladimir Poutine pour demander l’organisation de la Journée mondiale du nettoyage 2018 en Crimée) ont rendu sa candidature inacceptable pour le parti Isamaa (droite). Face à la polémique, Tatjana Lavrova a décidé de renoncer, laissant le Parti social-démocrate sans candidat.

En mai, la frontière entre la Russie et l’Estonie a une nouvelle fois été à la Une de l’actualité. Si par le passé cette question a concerné l’espace aérien en mer Baltique ou la frontière terrestre au sud du lac de Pskov, cette fois-ci, elle a touché la rivière Narva. Chaque année au printemps, les gardes-frontières installent des bouées afin d’indiquer l’emplacement de la frontière afin d’éviter que des bateaux s’égarent du mauvais côté. Toutefois, après de premières contestations russes en 2023, l’emplacement des bouées a une nouvelle fois été contesté par la partie russe. Dans la nuit du 23 mai, des gardes-frontières russes ont retiré unilatéralement les bouées estoniennes. Un tel acte a été fortement condamné en Estonie, mais les autorités n’ont pas réagi outre mesure, privilégiant le dialogue avec son voisin.

Enfin, le 10 mai, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution en faveur de l’admission de l’État de Palestine à l’ONU. Le vote de la résolution marqué un petit tournant pour la politique étrangère de l’Estonie. Jusque-là, la diplomatie estonienne suivait un principe : dans le cas où les Vingt-Sept sont du même avis, l’Estonie vote comme tel et dans le cas où des divergences existent, l’Estonie se range derrière la position des États-Unis. Alors que les Européens n’étaient pas du même avis et que les États-Unis étaient opposés à la résolution, l’Estonie a décidé de voter en faveur aux côtés de treize États de l’UE, donc contre les États-Unis. Le gouvernement a justifié son soutien à la résolution par le nouveau contexte international et son souhait de voir la crise du Proche-Orient résolue au plus vite afin que l’attention de la communauté internationale ne soit pas détournée de la guerre en Ukraine, et par conséquent que la sécurité de l’Estonie ne soit pas compromise. Ce changement dans la ligne diplomatique a engendré une certaine surprise. Ainsi, le chef du parti Isamaa Urmas Reinsalu a déploré ce choix de voter contre l’allié américain. De leur côté, l’ancienne ministre des Affaires étrangères Marina Kaljurand (Parti social-démocrate) et la politologue Kristi Raik ont exprimé leur surprise et leur soutien au respect de la ligne habituelle, tout en soulignant que le vote estonien n’allait pas changer la politique étrangère du pays dans ses grandes lignes.

Photo : Alma-Bengtsson / EBU