Le 31 décembre, alors que les Estoniens s’apprêtaient à célébrer le passage à 2025, le décès à l’âge de 96 ans de l’ancien président Arnold Rüütel a été annoncé. Né en 1928, Arnold Rüütel a d’abord fait carrière dans l’agronomie, il a notamment été directeur du sovkhoze de Tartu (1963-1969) puis recteur de l’Académie d’agriculture d’Estonie (aujourd’hui Université des Sciences de la vie) de 1969 à 1977. De 1977 à 1983, Rüütel a occupé des fonctions liées à l’agriculture au sein du Parti communiste estonien (parti qu’il a rejoint en 1964 et duquel il a été membre du Comité central à partir de 1971) avant d’accéder aux responsabilités dans l’organigramme de la RSSE en tant premier vice-président du Conseil des ministres. Lors des dernières années du régime soviétique, Arnold Rüütel a été le président du présidium du Soviet Suprême de la RSSE (1983-1990), plus haute fonction politique de la République, position qu’il a conservée au sein du Conseil suprême de la République d’Estonie (1990-1992). À la fin des années 1980, Arnold Rüütel a été un acteur clé de la Révolution chantante, notamment en novembre après l’adoption de la déclaration de souveraineté qu’il a défendue face à Mikhaïl Gorbatchev et les autres dirigeants soviétiques à Moscou. Après le rétablissement de l’indépendance de l’Estonie, Rüütel a participé à la vie politique du pays, notamment comme député. Il a dirigé un parti agrarien (devenu l’Union populaire en 1999) de 1994 à 2000. Candidat malheureux à la présidentielle en 1992 et en 1996 face à Lennart Meri, il a réussi à se faire élire président de la République estonienne en 2001. Son mandat a été avant tout marqué par son soutien à l’adhésion de l’Estonie à l’Union européenne, une position saluée au moment de sa disparition. Candidat à sa succession en 2006, il a finalement été battu par Toomas Hendrik Ilves. Par la suite, Arnold Rüütel s’est retiré de la vie politique active, tout en étant de nouveau membre de l’Union populaire, dont il est fait président d’honneur. Il a conservé sa carte au parti et son titre honorifique à la refonte de la formation en EKRE (il quitta le parti en juin 2024). Si le rôle central de Rüütel à certains moments de l’histoire estonienne a été souligné, des regrets ont toutefois été mis : en effet, l’ancien dirigeant soviétique ne s’est jamais exprimé sur ce passé-là une fois l’Estonie redevenue indépendante.

Le 9 décembre, le ministre de l’Éducation Kristiina Kallas, les syndicats du personnel scolaire, l’Union des chefs d’établissement, les représentants des écoles privées et les représentants des communes concernées se sont réunis pour signer officiellement l’Accord sur l’Éducation adopté quelques semaines plus tôt. Résultat d’un long processus de débat (marqué notamment par la grève des enseignants fin 2023 et début 2024), cet accord de bonne intention prévoit une réforme du modèle de carrière des enseignants estoniens entre 2026 et 2028. Désormais, les enseignants vont être rémunérés selon une grille de salaires établie sur la base des quatre nouveaux statuts d’enseignant. Ainsi, les enseignants débutants (notamment ceux dont la formation n’est pas terminée) et les enseignants diplômés seront payés à hauteur du salaire minimum des enseignants, les enseignants confirmés (vanemõpetaja, qui peuvent justifier d’une certaine expérience) bénéficieront d’un coefficient de salaire de 1,1 et les enseignants experts (meisterõpetaja, reconnu notamment par une implication de premier plan dans le développement des méthodes d’enseignement et de la vie éducative) d’un coefficient de 1,3. Toutefois, l’accord a été rejeté par la grande majorité des communes. Seulement neuf des 79 communes estoniennes étaient présentes pour la signature ! Aucune des principales villes d’Estonie n’a accepté l’accord (les deux communes signataires les plus importantes sont les communes rurales de Lääne-Harju et Tartu, peuplée chacune de 13 000 habitants). En effet, les municipalités, qui paient le salaire des enseignants, ont jugé ne pas avoir de garanties financières suffisantes de la part de l’État pour financer les enseignants selon le nouveau système.

Ensuite, une polémique a éclaté après que l’Académie estonienne des Arts a annoncé mettre fin à sa coopération avec un établissement universitaire israélien (et plus globalement à toute coopération avec des institutions universitaires israéliennes). Rapidement, la décision a été condamnée et de nombreux appels, dont un du conseil de surveillance de l’académie lui-même, à une révision de la décision ont été lancés. Interrogées sur le sujet, les autres universités estoniennes ont indiqué que le sujet ne les concernait, aucune d’entre elles n’ayant d’accord de coopération directe avec quelque établissement situé en Israël. Finalement, un groupe de travail a été mis en place pour réfléchir au futur des relations entre l’académie et Israël.

Le 25 décembre 2024, les autorités estoniennes et finlandaises ont été alertées d’une défaillance du câble électrique Estlink2 qui relie les deux pays. Aguerries par de précédents épisodes, notamment l’endommagement du gazoduc Balticconnector et de câbles de communication en octobre 2023 par le porte-conteneur battant pavillon hong-kongais NewNew Polar Bear, Estonie et Finlande se sont rapidement orientées vers une cause humaine. Très vite, le pétrolier Eagles S (battant pavillon des îles Cook et considéré comme faisant partie de la flotte fantôme utilisée par la Russie pour contourner les sanctions) dont la trajectoire laissait à croire que le câble Estlink1 et le Balticconnector pouvaient être de prochaines cibles a été ciblé et conduit par les autorités finlandaises dans les eaux territoriales du pays. Ce nouvel épisode illustre la vulnérabilité des infrastructures sous-marines en mer Baltique face à des actes de sabotage potentiels [NdA : durant le mois de janvier, les autorités finlandaises ont indiqué que les dommages relèveraient plutôt d’un accident que d’un acte volontaire].

En juin 2024, le parti conservateur populaire estonien a connu des semaines difficiles après des résultats décevants aux élections européennes. Excédées par le style de leur président, certaines figures du parti ont décidé de claquer la porte. Si le député européen réélu Jaak Madison a fait le choix de rejoindre le Parti du centre, la plupart des partants se sont réunis au sein d’une nouvelle formation, le Parti des Patriotes et Conservateurs d’Estonie. Toutefois, le parti connaît difficile et ne devient pas à faire de l’ombre à EKRE. En décembre, Henn Põlluaas, l’une des personnalités de premier plan qui a quitté EKRE et qui a dirigé le PPC quelques mois, a annoncé quitter le parti pour rejoindre Isamaa, fustigeant un manque de ligne politique claire. La naissance du nouveau semble donc avoir conduit à un échec rapide.

À Narva, la vie politique chaotique suit son cours. Après une tentative ratée en novembre, la nouvelle majorité politique du conseil municipal a réussi à destituer le maire en place Jaan Toots au profit de Katrin Raik (déjà maire de 2021 à 2023). Alors que les élections locales se profilent à l’horizon, il n’est pas certain que la stabilité soit de mise au cours des mois à venir.

Enfin, avec l’entrée en vigueur de la taxe sur les véhicules automobiles le 1er janvier 2025, les ventes de voitures ont fortement augmenté en 2024. Sur l’année entière, le volume de véhicules vendus a augmenté de 23 % par rapport à 2023 et le nombre de véhicules neufs vendus a augmenté de 11 %. Les Estoniens ont été surtout actifs lors des derniers mois de l’année afin d’échapper à la taxe applicable à toute nouvelle immatriculation. En décembre 2024, près de deux fois plus de véhicules neufs et 2,5 fois plus de véhicules d’occasion ont été vendus par rapport à un an auparavant.

Photo : Présidence de la République d’Estonie