Comme en 2022 où la fête nationale estonienne et le début de la guerre en Ukraine ont coïncidé, la célébration de la fête nationale le 24 février 2023 a inévitablement été marquée par le premier anniversaire du conflit. Si les diverses cérémonies se font traditionnellement « entre Estoniens » (sans présence de dignitaire étranger), 2023 a dérogé à la règle avec la présence de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg. Cette année, l’ensemble des cérémonies principales s’est déroulé à Tallinn avec la cérémonie au drapeau au pied de Pikk Hermann sur Toompea, un dépôt de gerbes au pied de la Croix de la Liberté (monument commémoratif de la guerre d’indépendance de 1918-1920) et le défilé militaire place de la Liberté. La journée s’est achevée par le discours du président de la République, un spectacle-concert et la traditionnelle réception présidentielle à l’opéra Estonia. Pour sa première réception du 24-Février « normale » (le 24 février 2022, le contexte de pandémie de Covid avait empêché le chef de l’État se recevoir des invités), Alar Karis a fait le choix d’apporter une modification à la soirée en raccourcissant le « défilé des manchots » (surnom donné au défilé des invités vêtus de costumes à redingote). Jusque-là, les invités, dont le nom était annoncé par un héraut, défilaient chacun leur tour devant le couple présidentiel. En 2023, le président a décidé de supprimer le héraut et de faire défiler les invités plus rapidement afin de réduire cette longue procession qui durait plusieurs heures.

Si la date officielle des élections législatives est le 5 mars, les citoyens estoniens ont déjà pu exprimer leur choix dès la fin du mois de février. En effet, les bureaux de vote et le vote en ligne ont été ouverts dès le 27 février pour six jours de vote par anticipation. Au cours des deux premiers jours, 135 671 électeurs, soit 14 % des inscrits, ont fait leur choix. 24 % de ces électeurs ont exprimé leur préférence politique dans les bureaux de vote ouverts et 76 % sur Internet. À noter que les votants par Internet peuvent changer d’avis en revotant sur Internet (jusqu’au 4 mars) ou en se rendant dans un bureau de vote.

Fin février, les derniers sondages ne permettaient pas de se faire une image claire de ce à quoi pourrait ressembler le parlement estonien au cours de la prochaine législature. S’il apparaîssait clair pour tous les instituts que le Parti de la réforme de la Première ministre Kaja Kallas devrait obtenir le plus de sièges, se posait la question de l’ampleur de cette victoire. De même, dans quel ordre se classeront les autres formations politiques ? Jusqu’aux dernières semaines avant le début du scrutin, il semblait que la lutte pour la deuxième place se ferait entre le Parti du centre et EKRE. Toutefois, les dernières enquêtes publiées par les instituts de sondage différaient grandement. Certains voyaient EKRE à quelques points seulement du Parti de la réforme, d’autres le plaçaient loin, en quatrième position, derrière le Parti du centre et Eesti 200. Le score des autres formations (Isamaa, Parti social-démocrate) était aussi très changeant donc à quelques jours de l’épilogue électoral, seules deux certitudes : le parti de Kaja Kallas arriverait en tête et il y aura six partis au Riigikogu contre cinq actuellement. Les projections indiquaient qu’aucune coalition ne devrait pouvoir dépasser 55 sièges (sur 101).

Au cours des dernières semaines de la campagne électorale, le parti d’extrême droite EKRE a dû faire face à des accusations de lien avec le groupe paramilitaire russe Wagner. Le nom du parti de Martin Helme est apparu dans une enquête du média en ligne Politico Europe publiée le 18 février sur les opérations d’extension de l’organisation dirigée par Evgueni Prigojine. Selon l’article, Wagner aurait souhaité utiliser EKRE en 2019 pour diffuser des idées anti-occidentales en Estonie. Du côté d’EKRE, l’existence de relations avec Wagner a été rejetée et les leaders du parti ont contre-attaqué en dénonçant une campagne visant à simplement tenir leur image avant les élections du 5 mars. Après la publication de l’article, les autres formations politiques estoniennes ont réagi en voyant une explication à la modération d’EKRE dans ses prises de parole à propos de la guerre en Ukraine (critique de l’aide massif estonien et de l’accueil des réfugiés…) Une chose demeure incertaine : l’impact de cette affaire sur le score d’EKRE aux élections législatives.

Avant de choisir leurs députés pour les années à venir, les Estoniens ont pu voter pour l’artiste qu’ils voudraient voir représenter au concours Eurovision en mai à Liverpool au Royaume-Uni. Douze artistes/groupes se sont affrontés lors du traditionnel concours Eesti Laul. La victoire est revenue à la chanteuse Alika pour sa chanson Bridges devant le chanteur Ollie (Venom) et le groupe Bedwetters (Monsters).

Depuis plusieurs mois, la situation économique inquiète. En plus de l’inflation toujours très présente (en janvier, les prix ont augmenté de 18 %), la croissance économique est devenue négative en 2022. Le PIB estonien a baissé d’1,3 % au cours de l’année passée, avec une baisse de plus de 4 % au quatrième trimestre. Dans le même temps, le taux de chômage augmente doucement mais sûrement. Pour la première fois depuis mai 2021, ce taux est supérieur à 8 %.

Dans le domaine des transports, l’annonce par la compagnie Ryanair de la fermeture fin mars de sept lignes aériennes au départ de Tallinn, dont la ligne Beauvais-Tallinn, a fait fortement réagir négativement. Toutefois, ce n’est pas l’entreprise irlandaise qui a été la cible des critiques, mais bien Aéroport de Tallinn dont la décision d’augmenter ses tarifs est à l’origine de la fermeture de ligne. L’entreprise est accusée d’agir contre les intérêts et le rapprochement de l’Estonie sur le continent européen.

Du côté de l’armée, le chef d’État-major Martin Herem a été promu au grade de général (général d’armée), devenant le cinquième militaire estonien à atteindre le plus grade de l’armée estonienne. Ce grade a été accordé en premier à Johan Laidoner en 1939. Aleksander Einseln, le premier chef d’État-major après la période soviétique (1995), Ants Laaneots (2011) et Riho Terras (2017) sont les autres militaires à avoir atteint le sommet de la hiérarchie militaire. À noter que la Marine estonienne n’a jamais compté d’amiral (l’équivalent du général) dans ces rangs ; seul Tarmo Kõuts a élevé au rang de vice-amiral.

En février, le monde du sport a vécu au rythme d’une affaire impliquant l’entraîneur d’athlétisme Mehis Viru. Le 15 février, la Fédération estonienne d’athlétisme a annoncé que ce dernier se voyait interdire toute pratique en lien avec l’athlétisme pour une durée indéterminée en raison d’infraction au code d’éthique des entraîneurs (il lui est reproché une proximité trop importante avec les athlètes sous sa responsabilité). L’affaire, qui n’est pas la première de ce type en Estonie, a connu un retentissement d’autant plus important que l’intéressé entraîne la jeune Karmen Bruus, championne du monde junior de saut en hauteur en 2022.

Photo : Vincent Dautancourt