Le début de 2016 a marqué la fin des grands événements culturels qui se sont déroulés en 2015 et le lancement de plusieurs manifestations qui dureront pendant l’année à venir. En Estonie, 2016 sera l’année de la culture de la mer. Dirigé par le Musée estonien de la Mer, le programme met à l’honneur la culture des populations littorales et l’importance de la mer dans l’identité et la culture estoniennes.
La première semaine de l’année a mis également à l’honneur le célèbre joueur d’échecs Paul Keres (1916-1975) à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Diverses manifestations ont été organisées pour l’honorer, dont un tournoi d’échecs à Tallinn, et une sculpture a été inaugurée à Narva, sa ville natale. Déjà présent sur les anciens billets de 5 couronnes estoniennes, le portrait de Keres figure maintenant sur une pièce commémorative de 2 €. La fédération internationale d’échecs a déclaré 2016 « Année Paul Keres ».
Le 7 janvier, le village d’Obinitsa (en pays seto, au sud-est de l’Estonie) a de son côté célébré la fin de l’année culturelle finno-ougrienne en présence du président de la République. Le titre de capitale culturelle finno-ougrienne, reçu un an plus tôt, a été transmis à la Hongrie.
2016 marque le lancement d’un projet initié en octobre 2015 par le ministère de la culture. Depuis le 1er janvier, et pour une période de trois ans, cinq écrivains et cinq artistes estoniens reçoivent un salaire de l’État (830 euros) afin de les soutenir dans leur production littéraire et artistique.
Côté cinéma, le mois de janvier est marqué par la réussite outre-Atlantique du film finlando-estonien Vehkleja du Finlandais Klaus Härö. Un an après Mandariinid, Vehkleja a concouru aux Golden Globes dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère. Enfin, le nouveau film de la réalisatrice Kadri Kõusaar Ema a été présenté le 7 janvier. Il suit une mère qui s’occupe de son fils tombé dans le coma après avoir été blessé par balle. Autour d’eux, l’ensemble des habitants de leur petite ville cherche à expliquer l’incident.
Sur le plan politique, l’actualité a été animée.
Depuis le 1er janvier, la loi sur l’union civile (kooseluseadus), votée à l’automne 2014, est officiellement entrée en vigueur. Les couples, hétérosexuels comme homosexuels, peuvent désormais officialiser leur vie commune par un contrat signé devant notaire. Si les premières unions ont déjà été signées, l’union civile demeure au cœur de l’actualité politique puisque la loi d’application du texte, nécessaire pour l’actualisation de l’ensemble de la législation estonienne, est actuellement en débat au parlement. Les opposants à l’ouverture de l’union aux couples homosexuels (Parti populaire conservateur – EKRE, une majorité d’Isamaa ja Res Publica Liit et du Parti du Centre) espèrent toujours pouvoir faire échouer le projet. Ses partisans (Parti social-démocrate, Parti de la Réforme, deux membres de la coalition gouvernementale au pouvoir) tentent d’atteindre les 51 voix nécessaires pour l’adoption du texte au Riigikogu en essayant de convaincre les députés indécis de Vabaerakond et du Parti du Centre. La loi d’application est également prise dans des jeux politiques entre le Parti social-démocrate et IRL : partenaires au sein du gouvernement, ils s’opposent sur la nomination de Juhan Parts, ancien Premier ministre et membre d’IRL, à la Cour des Comptes européenne. Le PSD conditionne son éventuel soutien à Parts à l’arrêt de l’opposition d’IRL à la loi d’application de l’union civile. Le texte sera débattu à la fin du mois en seconde lecture au Riigikogu.
En revanche, le Parlement a voté l’abaissement de 18 à 16 ans de l’âge requis pour voter lors des scrutins locaux. Environ 24 000 personnes supplémentaires pourront se rendre aux urnes en octobre 2017.
Une autre question agite la société estonienne : l’accueil des réfugiés et plus globalement l’expression d’une certaine xénophobie dans l’espace public. Les discours anti-immigrés ont inspiré le duo d’humoristes Ott Sepp et Märt Avandi lors de leurs traditionnels sketchs du 31 décembre sur la chaîne publique ETV. Leur parodie de la chanson Ei ole ükski üksi maa, l’un des hymnes de la Révolution chantante, qui pointait du doigt l’absence d’ouverture des Estoniens a alimenté le débat entre partisans et opposants à la venue de réfugiés en Estonie.
Les débats autour de la question des réfugiés ont eu une autre conséquence. Face à l’expression d’une haine de plus en plus virulente sur Internet, le portail d’informations Postimees a annoncé qu’il ne sera plus possible de commenter les articles de manière anonyme à partir du 1er février 2016. Dès lors, seuls les lecteurs inscrits pourront s’exprimer sur les sujets du moment. De manière plus générale se pose la question de la liberté d’expression en Estonie : limiter l’anonymat réduit-il cette liberté ?
Enfin, les médias ont été animés par la vie privée du président de la République. Divorcé de sa précédente femme au printemps dernier, le président s’est remarié le 2 janvier dernier. Cet événement a provoqué un débat quant à l’importance, ou non, de la vie privée du président. Pour certains, ce remariage va trop loin et ne correspond pas à la fonction présidentielle. De son côté, une partie de la presse a condamné l’absence de communication autour de la nouvelle épouse du président.
Ceci s’est déroulé alors que les regards sont déjà tournés vers l’élection présidentielle qui aura lieu en août. Après deux mandats, le président Toomas Hendrik Ilves ne peut pas se représenter. Pour l’instant, plusieurs noms sont évoqués mais les partis politiques, qui tiennent les clés de cette élection qui se déroule au parlement (dans un premier temps), n’ont pas encore affiché leur préférence.