Plusieurs temps forts vont marquer 2017 en Estonie. Initialement prévue au premier semestre 2018, la présidence estonienne de l’Union européenne aura lieu entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017. Le gouvernement estonien a adopté plusieurs priorités pour cette présidence : une économie européenne ouverte et innovante, une Europe sûre, une Europe numérique et une Europe intégrée et durable.

Sur le plan politique, l’année sera inévitablement marquée par les élections municipales qui se dérouleront en octobre. Ce scrutin marquera l’entrée en vigueur définitive de la réforme territoriale avec l’élection des conseils municipaux selon la nouvelle carte administrative. De plus, tous les regards seront tournés encore plus que d’habitude vers Tallinn, la capitale où il s’agira du premier scrutin depuis la chute politique d’Edgar Savisaar au sein du Parti du Centre. Fort d’une majorité absolue, ce parti conservera-t-il son poids politique ou devra-t-il s’allier à d’autres formations pour continuer à diriger la ville ?

Enfin, 2017 a été déclarée année culturelle des enfants et des jeunes. Le slogan choisi pour cet événement est “Mina ka !” (Moi aussi !). L’objectif est de porter une attention toute particulière au jeune public des événements culturels et aux jeunes en tant que créateurs culturels. La principale manifestation de l’année sera sans conteste le 12e Festival du chant et de la Danse de la jeunesse qui se déroulera à Tallinn du 30 juin au 2 juillet.

Début 2017, la scène politique a été marquée par l’élection du nouveau président du Parti de la Réforme. Hanno Pevkur a remporté le scrutin face à Kristen Michal. Cette victoire marque un tournant avec la mise en minorité des principaux leaders sortants. Parmi les vainqueurs, il faut remarquer la popularité du fondateur du parti, Siim Kallas (ancien Premier ministre et ancien vice-président de la Commission européenne) et de sa fille, Kaja Kallas (députée européenne). Alors que le Parti de la Réforme apparaissait un parti relativement uni (notamment pendant les dix années au cours desquelles le parti était dirigé par Andrus Ansip), il doit désormais faire face à un pluralisme interne inédit – il s’agissait de la première élection avec plusieurs candidats en lice.

Alors que la carte administrative va être profondément modifiée cette année dans le cadre de la réforme territoriale, le gouvernement estonien a adopté en conseil des ministres la suppression des préfectures de région (maavalitsus) à partir du 1er janvier 2018. Les compétences étatiques décentralisées seront réattribuées aux municipalités et aux ministères, supprimant ainsi un échelon administratif estonien (sans que les maakonnad ou régions ne disparaissent pour autant des cartes).

Évoquée depuis plusieurs mois, la question des outils marketing utilisés pour la promotion de l’Estonie a enfin été tranchée, marquant la fin du logo « Welcome to Estonia » utilisé depuis la première moitié des années 2000. Présentée le 13 janvier et disponible sur les sites estonia.ee et brand.estonia.ee, la nouvelle conception marketing inclut une nouvelle police d’écriture et une gamme de couleurs, prône la mise en avant du mot eesti ou estonia et de la lettre e et encourage l’utilisation d’images. De plus, des formes représentant des blocs erratiques (blocs rocheux hérités de l’ère glaciaire très présents en Estonie) font désormais partie des éléments visuels pouvant être utilisés dans la création de campagnes publicitaires. Contrairement à la précédente conception marketing, aucun logo spécifique n’a été créé. Cette absence de logo et la présentation des formes rappelant les blocs erratiques ont provoqué une certaine incompréhension, certains pensant que ces formes étaient justement le nouveau logo.

Le 7 janvier, le 130e anniversaire de la naissance de l’écrivain Oskar Luts a été célébré en Estonie. Figure de la littérature estonienne, Oskar Luts est surtout l’auteur d’une série d’œuvres autour d’un personnage principal, Toots, telles Kevade (Le Printemps), Suvi (L’Été) et Sügis (L’Automne). Les deux premières œuvres ont été adaptées au cinéma dans les années 1970, la troisième en 1991. Les nombreux personnages sont devenus des figures classiques de la culture estonienne. Luts était également auteur d’histoires pour enfants, la plus populaire étant Nukitsamees, adaptée au cinéma en 1981.

À un an du centenaire de la République d’Estonie dont les célébrations vont débuter dès 2017, certains projets font polémique. À Tallinn, l’érection d’une statue de Konstantin Päts dans le Jardin du gouverneur à proximité du Riigikogu n’est pas du goût de tous, rappelant que Päts demeure un personnage clivant en Estonie. Si Konstantin Päts a été l’un des artisans de l’indépendance en 1918 en tant que membre du Comité de Salut public et a été plusieurs fois Premier ministre entre 1918 et 1937, il a été aussi l’instigateur du tournant autoritaire qu’a connu l’Estonie à partir de 1934. Il est devenu président de la République en 1938 après l’adoption d’une nouvelle constitution et l’est resté jusqu’en 1940. Cette période 1934-1940 rend le personnage controversé. Si la Société de protection du patrimoine (Muinsuskaitse Selts) soutient une statue de Päts sur Toompea, d’autres prônent une célébration de Päts avec les deux autres membres du Comité de Salut public pour lever l’ambiguïté. Du côté du Parti conservateur estonien, une statue à la mémoire de celui qui a interdit les groupes d’anciens combattants de la Guerre de Libération (les Vapsid) et de celui qui a signé la fin de la République d’Estonie en juin 1940 est inacceptable.

Ce début d’année a permis de faire le point sur la démographie estonienne. Qu’il s’agisse des données du ministère de l’intérieur ou du Bureau national de la Statistique, la population estonienne a augmenté en 2016 (+ 1 556 personnes selon le premier pour atteindre 1 352 555 personnes, + 1 800 personnes selon le second avec un total de 1 317 800 habitants). (Les données ministérielles présentent le nombre de personnes enregistrées officiellement en Estonie, or de nombreux Estoniens vivant à l’étranger sont toujours enregistrés en Estonie). Il s’agit de la seconde année de hausse consécutive, alors que la population avait continuellement diminué entre 2000 et 2015. Il faut souligner que l’augmentation est due à un solde migratoire positif alors que le solde naturel demeure lui négatif. De plus, cette hausse ne doit pas cacher les disparités régionales. Selon le ministère de l’intérieur, seules les régions de Harjumaa et de Tartumaa ont vu leur population augmenter avec respectivement + 7 300 et + 867 personnes. La capitale estonienne Tallinn est désormais peuplée de 443 600 personnes (+ 4 200 personnes). À l’opposé, le Virumaa oriental, et Narva en particulier, continue de se dépeupler. La région du Nord-Est de l’Estonie a perdu près de 2 500 personnes. Si Narva reste la troisième ville d’Estonie, sa population est désormais inférieure à 60 000 habitants.

À Tartu, l’année universitaire 2016-2017 se poursuit dans des conditions particulières puisque la bibliothèque universitaire demeure fermée au public en raison de travaux de rénovation majeurs. Prévue à l’automne dernier, la réouverture du bâtiment est désormais repoussée à un futur incertain ; l’Université de Tartu a mis fin à sa collaboration avec l’entreprise YIT Ehitus chargée des travaux invoquant le non-respect du contrat. Les étudiants doivent donc trouver des solutions alternatives, surtout dans les semaines qui précèdent les examens en investissant les cafés du centre-ville.

Enfin, le légendaire journaliste sportif d’ETV Lembitu Kuuse, célèbre pour ses commentaires, est décédé à l’âge de 66 ans. C’est avec la voix de Kuuse que les Estoniens ont vécu les grandes victoires et les médailles olympiques estoniennes depuis près de vingt ans, notamment en ski de fond ou en aviron, comme cela a  encore été le cas lors des JO de Rio en août 2016. Son style et son travail ont été salués par tous.