Artiste estonienne née en 1973 à Kuressaare, Kaia Kiik a forgé une démarche singulière à la croisée des disciplines. Son parcours débute par des études à l’École des arts appliqués de Tallinn, se poursuit au monastère Saint-Thierry en Champagne, puis à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris où elle soutient un mémoire sur «L’intelligence artificielle et la créativité ».
Avant de se consacrer pleinement à l’art, elle exerce comme journaliste scientifique et environnementale en Estonie, expérience fondatrice qui imprègne durablement sa sensibilité artistique. Cette formation initiale nourrit une approche méthodique des matériaux, progressivement enrichie par une dimension plus intuitive et contemplative.
Son installation à Ault en 2021, après des années passées entre Paris et Los Angeles, marque un tournant décisif. Dans ce paysage de falaises et de plages, elle développe une pratique centrée sur la révélation plutôt que la transformation. Les silex, galets et bois flottés deviennent les acteurs principaux d’installations qui mettent en lumière leur beauté intrinsèque et leur charge mémorielle.
Sa technique caractéristique utilise des matériaux organiques (farine, riz, thé vert) disposés en couches successives, créant des œuvres qui évoquent tant les stratifications géologiques que les sédimentations de la mémoire. Cette pratique questionne les frontières poreuses entre nature et culture, entre l’éphémère et le permanent.
Son travail a été présenté à la galerie Vaal de Tallinn (2009), au Conseil européen à Bruxelles (2018) et à l’Espace Jacques Prévert de Mers-les-Bains (2023). Fondatrice de l’Association Européenne-Française d’Art Contemporain, elle contribue activement aux échanges culturels entre l’Estonie et la France.
Son atelier d’Ault, qu’elle nomme avec humour «art saloon», est devenu un laboratoire où se développent des projets participatifs qui prolongent sa réflexion sur la mémoire collective et individuelle. Cette dimension collaborative enrichit sa pratique tout en préservant la rigueur esthétique qui la caractérise.
L’œuvre de Kaia Kiik propose ainsi une méditation visuelle sur les cycles naturels et les traces du temps. Son parcours témoigne d’une évolution cohérente, de l’analyse scientifique vers une archéologie sensible des mémoires inscrites dans la matière, révélant la beauté cachée du monde qui nous entoure.
Les œuvres exposées à la Boutique estonienne éphémère de France-Estonie sont nées d’un retour aux paysages d’Estonie, pays d’origine de Kaia Kiik. L’artiste y a collecté des éléments naturels – tourbe, mousses et plantes des tourbières de Mukri Raba – qu’elle associe à des photographies pour rendre hommage à ces milieux fragiles.
Son travail se déploie aussi autour de la mer Baltique, où le sable et les cailloux nourrissent ses tableaux.
Sur papier et encadrées, d’autres œuvres s’inspirent des pierres traditionnelles d’Estonie, comme le granit rouge ou le maakivi. Leur éclat évoque pour elle les matins d’automne, lorsque la rosée cristallisée par le froid fait scintiller la surface des pierres.
L’artiste établit également un lien avec le nord de la France, où elle vit aujourd’hui. Des sculptures en bronze, inspirées des galets et silex collectés au bord de la mer, prolongent ce dialogue entre ses paysages d’enfance et son environnement actuel. Ces formes, à la fois minérales et organiques, rapprochent les climats maritimes de la Baltique et de la Manche.
En réunissant tourbe, sable, bois, minéraux et bronze, Kaia Kiik fait de chaque matière le témoin d’un lieu et d’un moment. Ses œuvres ne cherchent pas à figer la nature mais à révéler ce qu’elle porte déjà : une mémoire, une énergie et une fragilité.
L’exposition propose ainsi de voir ces fragments de paysage non pas comme de simples matériaux, mais comme des porteurs d’histoire et de sens, reliant l’intime et le collectif, le passé et le présent.
Pour en savoir plus :
Instagram : kaiakiik