Après l’annonce du licenciement de 500 personnes dans l’Ida-Virumaa par le groupe VKG il y a quelques semaines, c’est maintenant au tour du groupe finlandais PKC, spécialiste de la fabrication de câbles pour l’industrie automobile, d’annoncer la fermeture de son usine de Keila (Harjumaa) en mars 2017. L’une des justifications avancées est l’augmentation du coût du travail en Estonie et la production doit être relocalisée en Lituanie et en Russie. 613 personnes vont perdre leur emploi. Toutefois, l’entreprise ne quitte pas totalement l’Estonie puisqu’elle y maintient son centre de développement pour l’Europe et l’Amérique latine. Dans l’agro-alimentaire, le groupe laitier Tere est lui menacé de faillite. Si elle avait pu initier un partenariat avec le Japon à l’exportation, alternative au marché russe désormais fermé, l’entreprise n’a pas pu pérenniser la coopération. Les difficultés du secteur laitier s’ajoutent à celles de l’industrie du porc touchée la crise de la peste porcine illustrées par la fermeture en janvier de l’usine de viande de Vastse-Kuuste (Põlvamaa).

Sur le plan politique, les partis politiques suivent avec attention l’évolution de leur cote de popularité. Le Parti du Centre d’Edgar Savisaar demeure le parti le plus populaire (26% selon un sondage Turu-Uuringute AS) devant le Parti de la Réforme du Premier ministre Taavi Rõivas (17%), devant le Parti social-démocrate et Vabaerakond (13%) et le Parti populaire conservateur (EKRE) (12%). Avec 7%, Isamaa ja Res Publica Liit (droite) voit sa popularité continuer sa chute, perdant toujours plus de soutien au profit d’EKRE, très actif par sa critique de la loi sur l’union civile et son opposition à l’accueil des réfugiés et l’immigration de masse. Fort de sa nouvelle popularité, le parti de Mart Helme tisse des liens avec des formations similaires dans les autres pays européens, dont Pegida en Allemagne, et a participé à la journée de manifestation transeuropéenne du 6 février en organisant des rassemblements et des réunions dans toute l’Estonie.

Cette radicalisation s’exprime sous des formes nouvelles avec par exemple l’implantation en Estonie du mouvement Soldats d’Odin. Apparu en Finlande en janvier, cette milice souhaite organiser des patrouilles afin de protéger les citoyens des criminels, sur fond de discours anti-immigration. Une première réunion tenue à Tallinn le 12 février a attiré une soixantaine de personnes. L’émergence de ce groupe a été largement condamnée dans la classe politique, les services de police et les associations de voisinage.

Par opposition à ce discours nationaliste d’extrême-droite de plus en plus public, une Estonie accueillante pour les personnes d’autres cultures est promue. À l’occasion de la fête nationale (24 février), le portail d’information Delfi.ee a choisi de publier le témoignage de ressortissants de 98 pays ou régions du Monde vivant en Estonie afin de promouvoir une société estonienne plus ouverte. Ceci fait en partie écho au discours tenu en janvier par Margus Tsahkna, président d’IRL, dans lequel il défendait une Estonie moins ethnocentrée (une position qui est désormais portée par EKRE).

Début février, le ministre des affaires sociales Jevgeni Ossinovski (social-démocrate) et le ministre de la justice Urmas Reinsalu (IRL) se sont opposés autour du projet d’amendement de loi sur l’alcool en débat depuis l’été 2015. Plusieurs mesures radicales sont proposées : l’interdiction de la vente d’alcool dans les stations-service, la séparation des produits alcoolisés des autres produits dans les magasins, réguler la publicité de l’alcool en interdisant les couleurs et les mises en scène attrayantes, interdire la publicité en extérieur, l’interdiction des happy hours et des offres promotionnelles dans les bars ou encore les dégustations dans les magasins. Le ministre de la justice, tout comme le ministère de l’économie, a refusé d’approuver le texte de son collègue du gouvernement car les raisons du projet et la pertinence des mesures radicales proposées ne sont pas assez claires. Malgré les critiques, J. Ossinovski a néanmoins décidé de maintenir le projet et de le présenter en conseil des ministres.

Comme prévu, les sites Internet du groupe Postimees ne permettent plus la publication de commentaires anonymes depuis le 1er février. Seuls les lecteurs enregistrés et identifiés (grâce à leur carte d’identité ou via les réseaux sociaux si leur identité est claire) peuvent désormais exprimer leur opinion. Alors qu’ils pouvaient compter plusieurs centaines de commentaires, les articles de Postimees ne présentent maintenant plus que quelques avis et la modération est devenue la règle. Les débats autour de la liberté d’expression en Estonie n’ont toutefois pas disparu. Depuis plusieurs semaines, c’est au tour de l’expression artistique d’être au cœur du débat à travers le procès de l’écrivain Kaur Kender. Ce dernier est jugé pour avoir décrit dans un texte des relations sexuelles entre un adulte et un mineur. Se pose alors la question de savoir si l’écrivain et sa production littéraire tombe sous le coup de la loi concernant l’interdiction de la pédopornographie.

Enfin, comme chaque année, le mois de février est celui de la déclaration de revenus pour les habitants d’Estonie. Une fois de plus, la déclaration en ligne a été utilisée massivement dès l’ouverture du service, plus de 143 000 personnes ont effectué la démarche au cours des premières 24 heures. Ceci s’explique par l’envie des déclarants d’obtenir au plus vite le remboursement par l’État du trop-perçu au cours de l’année précédente. (En Estonie, les revenus sont imposés à un taux de 20% et l’impôt est directement prélevé à la source. Toutefois, un taux 0 est appliqué sur une base de 170 euros par mois, une correction est appliquée a posteriori, après déclaration des revenus.) Toutefois, les premières heures ne sont passées sans difficultés. Depuis cette année, les déclarants sont immédiatement avertis d’éventuelles erreurs dans les déclarations, contre plusieurs jours d’attente auparavant. Cette nouveauté a eu pour effet de ralentir les serveurs, d’empêcher un accès fluide au service de déclaration et de « contrarier » les plus pressés.